Conférence-débat avec Monique Pillant* Qu’est-ce qu’un peuple ? Une réalité ? une fiction ? une légende ? une chose ? Le mot déjà renvoie à différents sens : un sens social où être du peuple n’est pas faire partie des grands ; un sens ethnologique où le peuple se confond avec la nation ; un sens politique et juridique où le peuple est l’autorité suprême de faire la loi. Ce dernier sens se construit dans la modernité, au cours des épisodes révolutionnaires en Amérique et en France. Mais comment entendre la proposition « Le 14 juillet, le peuple de Paris a pris la Bastille » ? Pour un aristocrate, le peuple se confond avec la foule haineuse, la populace qui vise la destruction de l’ordre établi ; pour un bourgeois, le peuple est une multitude animée par des intérêts particuliers et ignorante de son intérêt véritable ; pour un démocrate, le peuple qui prend la Bastille est un sujet historique qui manifeste enfin sa force, son exigence de justice et son désir de liberté. A-t-on affaire à un peuple prenant en charge son devenir politique ou bien à une populace irrationnelle et ignorante ? L’enjeu de cette réponse est politique, engage le sens que l’on donne à la vie politique, à la finalité de l’Etat, et la possibilité de vivre simplement en démocratie. Il s’agira donc de voir comment les sens engagés dans le mot peuple peuvent produire diversement de la soumission aveugle à un chef, ou une indifférence à l’Etat, ou bien encore une activation de la capacité d’agir pour le bien commun.
*Monique Pillant, professeure certifiée, a fait ses études à l’université d’Aix-en-Provence. Elle enseigne la philosophie depuis 25 ans et depuis plus d’une quinzaine d’année au lycée Thiers de Marseille.
Biblographie : Gérard Bras, Les voies du peuple (2018). Zeev Sternhell, Les anti-Lumières (2006). Johann Chapoutot, La révolution culturelle nazie (2017).