Professeur agrégé d’histoire
Il est enseignant et chercheur spécialiste de l’histoire du XXème siècle.
Diplômé de Faculté de Lettres à Aix-en-Provence en 1994, Olivier Luciani est Professeur d’histoire au Lycée Saint-Charles à Marseille depuis 2004
- Lycée Victor Hugo – Professeur d’histoire – Marseille 1994 – 1995
- Lycée Militaire Aix En Provence – Professeur d’histoire – Aix en provence 1995 – 1996
- Lycée Victor Hugo – Professeur d’histoire – Marseille 1996 – 1997
- Université Aix-marseille I – Attaché d’enseignement et de recherche – Marseille 1997 – 2001
- Collège Henri Barnier – Professeur d’histoire – Marseille 2001 – 2004
Bonjour,
J’ai assisté avec grand intérêt à vos conférences des 06 et 13/01/20 à la Casa Consolat. Peut-être vous souvenez-vous qu’à la fin de la dernière, un auditeur avait posé la question d’une éventuelle opération financière derrière la destruction du quartier vieux Port. Sauf erreur de ma part, vous lui aviez répondu rien ne permettrait de l’affirmer. Permettez-moi de porter à votre connaissance, Monsieur, cet article de la Marseillaise, publié avant hier: http://www.lamarseillaise.fr/marseille/societe/80280-derriere-la-rafle-une-operation-financiere
Bien cordialement,
Gerlinda, franco-allemande
Bonjour Gerlinda,
Je vous remercie de votre participation et de l’intérêt que vous portez à l’UPOP 13
Olivier Luciani prépare ses exposés avec beaucoup de sérieux et ses activités d’enseignement et de recherche lui imposent d’appuyer son travail au travers de sources vérifiées et irréfutables
A tout bientôt pour avoir le plaisir de vous accueillir lors de prochaines conférences
Bien cordialement
jp
Chère Madame,
Je vous remercie de l’intérêt que vous avez bien voulu porter à mes interventions à l’UPOP ainsi que de l’article de La Marseillaise dont je viens de prendre connaissance. Je me souviens en effet parfaitement de l’intervention de la personne qui voulait savoir si la destruction du quartier du Vieux Port n’était pas motivée par une sordide opération immobilière plutôt que par la folie destructrice et antisémite des nazis. C’est là en effet une rumeur ancienne et persistante depuis la guerre (elle réapparaît de façon récurrente à Marseille dont une partie de la population a alors été dépossédée et jamais vraiment indemnisée) mais qui ne repose que sur des présomptions, non sur des preuves avérées.
Cette « rumeur » est évoquée par l’historienne Renée Dray-Bensoussan : « La rumeur publique désignera des coupables, accusant une affaire de spéculation foncière. Une société immobilière chargée de la reconstruction avait déposé ses statuts alors même que la destruction du Vieux-port ne faisait que commencer […] Le préfet Barraud, en vertu de la loi du 30 mai 1941, avait passé une convention avec une régie immobilière filiale de la Banque de France et des Pays-Bas, selon laquelle celle-ci se verrait attribuer toutes les opérations de reconstruction des secteurs appelés à être démolis. Le périmètre de destruction correspondrait à celui du plan Beaudouin » (in Les Marseillais pendant la Seconde Guerre mondiale, éd. ARES/Gaussen, 2013, pp. 164-165).
Le professeur Robert Mencherini, grand spécialiste de la question, se montre tout aussi prudent sur le sujet : » On s’interroge sur les responsabilités. La Régie foncière et immobilière de la ville de Marseille, créée le 25 janvier 1943 par plusieurs banques et sociétés, est mise en accusation. Le très collaborationniste PPF montre du doigt les autorités françaises qu’il accuse d’être à l’origine des destructions en application du plan Beaudouin. C’est aussi une manière de dédouaner les occupants. De fait, toutes les sources archivistiques connues montrent que l’initiative est allemande, même si les autorités françaises en sont les complices actifs dans le cadre de la collaboration d’Etat » (in Ici même, Marseille, 1940-1944, éd. Jeanne Laffitte, p. 95).
Enfin, pour Christian Oppetit, ancien conservateur aux Archives départementales, les autorités locales n’étaient guère en position de suggérer, et encore moins d’imposer quoi que ce soit aux autorités d’occupation surtout lorsque l’ordre vient de Hitler lui-même ; selon lui, dans cet épisode, « l’administration française s’est montrée non seulement soumise mais zélée. La marque même de la collaboration d’Etat qui aboutira à la coopération française dans la solution finale » (in L’Express n° 3154, décembre 2011, p. XXIV).
Que certains individus aient pu réaliser des profits immobiliers grâce à la destruction du quartier du Vieux-Port, comme le suggère Jacques Roger dans La Marseillaise, est sans doute vrai. De là à affirmer que c’est la raison pour laquelle ce quartier a été détruit, il y a un pas qu’un historien ne peut franchir en l’absence de sources incontestables. Je maintiens donc la réponse que j’avais faite ce soir-là… jusqu’à preuve du contraire, bien sûr.
Recevez, chère Madame, mes salutations les meilleures.
Olivier Luciani