Monique Pillant*
Philosophie
La religion
05 juin : La revendication de l’irrationalisme religieux :
le besoin de croire à une transcendance.
* Monique Pillant, est professeure certifiée, a fait ses études à l'université d'Aix-en-Provence, enseigne la philosophie depuis 25 ans et depuis plus d'une quinzaine d'année au lycée Thiers de Marseille.
« Nous employons sans trop de difficulté le mot religion : serait religieux un système de croyances, lié à une activité rituelle et cultuelle, relative à un ou des dieux, en un espace sacré, par opposition à l’espace profane. Pourtant, pour citer Jean Bottero, l’historien, spécialiste de la Mésopotamie, « dans la religion Dieu vient assez tard et il n’est même pas nécessaire qu’il vienne » : il y a des religions sans dieu, et aussi des sociétés où la religion est partout, et ne se tient pas dans l’espace du temple, de l’église, de la mosquée. Pour résoudre la difficulté constituée par l’irréductible hétérogénéité des religions dans l’espace et le temps, on s’est avisé de la réduire à une ou des fonctions, fonctions psychologique ou sociale, ou encore idéologique. Loin de se caractériser par un contenu de croyance, elle se tiendrait dans la fonction qu’elle sert : rassurer et protéger de l’angoisse du lendemain, justifier l’ordre social et ses injustices, fonder la communauté sociale. Dans ces conditions, on peut penser une religion séculière, par exemple marxiste, et même tuer en son nom, comme le faisaient notamment les Brigades rouges. Mais n’est-ce pas passer à côté de ce qui distingue essentiellement la religion de toute autre forme de croyance ou d’adhésion ? La réduction fonctionnelle fait l’impasse sur la foi du croyant, et sa relation personnelle au sacré. Tenir compte de ce mysticisme propre à la religion, prendre acte de son irrationalité, c’est comprendre que la religion se tient dans un libre engagement de chacun dans une perspective existentielle de salut. En témoignerait aussi la floraison des religions « à la carte », syncrétiques et affranchies des institutions. Dès lors, il ne faudrait pas demander au croyant des raisons de croire. Pourtant on voit bien que la religion a intérêt à se placer à l’abri de toute critique : dire qu’elle se tient dans une relation personnelle de l’humain au sacré, n’est-ce pas l’exempter d’avoir à rendre compte du fanatisme religieux et de la quantité invraisemblable de crimes commis en son nom ? »