Le libéralisme a construit une véritable société du défi. Notre société fonde nos relations sur une logique de confrontation au lieu de la fonder sur une logique de dialogue et d’échange.
Le défi est la forme revêtue dans le langage par la confrontation à l’autre dans la compétition. Défier l’autre, c’est lui proposer une compétition avec soi. C’est ainsi que les opposants défient les pouvoirs de les vaincre, et que les pouvoirs défient leurs opposants de parvenir à les dépasser. Le défi est le nom que l’on peut donner à la revendication du dépassement.
Le défi se manifeste d’abord dans des temps. Il peut s’agir du défi lancé par un membre de la famille aux autres, qu’il s’agisse du défi entre des frères ou des sœurs pour être le préféré des parents, ou du défi entre des héritiers au moment du partage. Plus tard, la figure du défi sera celle par laquelle un acteur social défiera ses opposants de remporter la victoire contre lui.
Mais le défi se manifeste, par ailleurs, dans des espaces. On peut définir ce que J. Habermas appelle l’espace public comme l’espace du défi. C’est le défi qui fait vivre l’espace public en lui donnant sa consistance, en faisant de lui l’espace social de la relation entre les acteurs de la société.
Ancien professeur à l’Institut d’Études Politiques de Lyon, Bernard Lamizet travaille sur les identités et sur la sémiotique politique