14 avril 2015
«Nationalisme vs nation»
Roland Le Bris

mardi 14 avril 2015

19 à 21 heures

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Philosophie :

Roland Le Bris
qui traitera le thème : Nationalisme versus nation.

transversales

Notes pour le support de présentation de ce cours

[Téléchargez]

Henri LEFEBVRE « Le nationalisme contre les nations » Méridiens Klincksiek première édition 1937 réédition 1988

Notes ayant servi de support de présentation à la séance de l’Université populaire d’Aubagne le 14 avril 2015

1. Présentation succincte RLB

⇒ Pas philosophe de profession
⇒ Ma formation et mon experience professionnelle m’ont conduit à travailler sur les articulations entre economie/sociologie/philosophie et politique

2. Le choix d’Henri Lefebvre

  • ⇒  Pres de 25 ans apres sa mort (1901-1991), l’importance de son œuvre n’est toujours pas reconnue pour des raisons qui tiennent probablement à la difficulté de le classer dans telle ou telle catégorie. De fait, cette œuvre prolixe n’est pas facile à identifier tant les objets traités semblent dissemblables, renvoyant dans une approche académique à diverses disciplines : la sociologie (la ville, la ruralité, le quotidien), l’histoire (la Commune, mai 68), l’analyse de la littérature (Musset, Rabelais) ou à des travaux inscrits dans une tradition marxienne (expliciter différence avec marxisme).

Écouter un entretien avec Henri Lefebvre sur ina.fr

 

  • ⇒  Michel Trebitsch, un de ceux qui ont contribué à la reedition d’une partie des ouvrages d’Henri Lefebvre à la fin du siecle dernier formule l’hypothèse suivante à propos de sa marginalité dans la philosophie française : « On peut émettre l’hypothèse que la méconnaissance à l’égard de Lefebvre est, en France, à l’exacte mesure de la fascination équivoque exercée par Heidegger ». Et on pourrait ajouter de la deéfiance des marxistes pour ce penseur curieux (dans les 2 sens du terme). Michel Trebitsch précise « ce n’est jamais véritablement la pensée de Lefebvre qui a été discutée en France (à la différence de l’Allemagne, de l’Italie et, plus récemment, des Etats-Unis), mais son statut de philosophe. Défini avant tout comme sociologue (du quotidien, de la ville, de l’urbain, avant tout) et enfermé dans cette fonction, il ne pouvait qu’être perdant face à la montée en puissance de la sociologie américaine d’un côté, du monolithe bourdivin de l’autre ».
  • ⇒  Henri Lefebvre n’est pas identifié dans les bibliographies relatives à la philosophie politique du vingtième siècle. Pourtant la pensée politique est peut-être ce qui fait sens dans son œuvre, ce qui lui donne finalement sa cohérence.
  • ⇒  Cette pensée se caractérise par un ancrage « progressiste » (membre du PCF comme de nombreux autres intellectuels de 1928 à 1958 sans jamais être un homme d’appareil, acteur proche des situationnistes en 1968, retour à une proximité avec le PCF à la fin de sa vie), par une hétérodoxie fondamentale (un engagement politique non partisan ; une connaissance des travaux de Marx qui ne le conduit pas à ânonner les textes mais à les retravailler, et à les confronter à d’autres traditions philosophiques – Hegel et Nietzsche – ; une originalité des thèmes et des points de vue ; de l’inattendu) ; par une démarche exigeante (un grand lecteur de textes multiples ; qu’est ce que penser ? en 1985) et un style personnel (élégance, fulgurance, accessibilité)
  • ⇒  Dernière raison, une affinité personnelle. Beaucoup lu autrefois

3. Le nationalisme contre les nations

Pas le choix de parcourir le texte du début à la fin plutôt une lecture thématique permettant a posteriori d’en saisir la portée
3.1. L’époque

  • ⇒  Publication en 1937 dans la continuité de « La conscience mystifiée » publié en 1936,avant « Hitler au pouvoir, bilan de 5 ans de fascisme en Allemagne » en 1938 qui lui valut d’être sur une première liste de personnes à abattre par les nazis au début de l’occupation. Une sorte de trilogie : l’idéologie d’abord, le nationalisme comme vecteur idéologique majeur ensuite, la stratégie enfin (analyse des textes de Hitler et de l’état des forces militaires avec en fonds théorique Clausewitz à l’époque méconnu sauf de De Gaulle) suivie en 1939 d’un texte à propos de Nietzsche pour réfuter le rapport entre ce philosophe et l’idéologie nazie.
  • ⇒  Henri Lefebvre effectue un long voyage en Allemagne en 1932 qui à la fois l’éblouit et l’inquiète (comparaison des manifestations du puissant parti communiste allemand et du petit parti nazi … « les nazis dans leur manifestation déployaient déjà le grand style … J’ai souvent dit que la victoire du fascisme avait été esthétique. Bien sûr, il y avait tous les autres facteurs, le ralliement au grand capital … Mais pour le peuple, il y a eu un côté esthétique » (et l’aventure du siècle … p 98). Parmi les autres facteurs, il y avait bien sûr les erreurs du parti communiste allemand focalisé sur ce qu’il percevait comme la traîtrise des sociaux démocrates. Il retourne en Allemagne en 1936 et mesure à quel point tout a changé en si peu de temps. En mars 1941, il est révoqué de l’Education nationale et il entre dans la Résistance (d’abord à Marseille puis dans les Pyrénées).
  • ⇒  La conscience mystifiée partait d’un état de stupeur : comment l’Allemagne avait- elle pu aussi brutalement basculer dans le nazisme alors même que la classe ouvrière allemande était réputée comme étant la plus organisée et la plus cultivée du monde et que le parti communiste allemand comptait plus de 5 millions de membres ? L’explication proposée par le livre consistait dans la puissance de l’idéologie. « les idéologies déforment … elles substituent … au savoir du réel une représentation abstraite. Quand cette représentation inverse le réel et bouleverse le possible, on ne peut plus parler d’idéologie ni même de représentation mais de mystification » (préface à la réédition de 1979). Loin de la théorie du reflet en vigueur à l’époque dans la doxa marxiste et qui faisait la part belle aux intérêts économiques et sociaux, cette mystification se nourrit de l’imaginaire et du symbolique.
  • ⇒  Le nationalisme contre les nations prenait comme hypothèse le fait que le nationalisme constituait un vecteur idéologique puissant pouvant expliquer au moins pour une part la montée en puissance du nazisme en Allemagne. Ce faisant, il déployait une théorie de la nation qui est restée longtemps sans équivalent.
  • ⇒  Pas de parallélisme étroit entre cette période et la période actuelle. Néanmoins au moins deux points communs : une crise économique et sociale majeure et un brouillage des repères
  • ⇒  Une enquête d’International Social Survey Programme/CNRS effectuée en 2013 (la précédente datait de 2003) et dont les résultats viennent d’être publiés identifie un degré d’adhésion à un nationalisme identitaire (croisement de plusieurs critères autour de 4 thématiques : l’attachement à son pays et la fierté nationale, les relations entre la France et les autres pays, la perception des minorités ethniques et des immigrés, les jugements à l’égard de l’Europe) à la différence d’une forme d’inscription dans la communauté nationale plus ouverte au monde. La proportion de la population française caractérisée comme cela est passée de 30% en 2003 à 34% en 2013, pour l’essentiel du fait d’un durcissement de l’opinion de ceux qui se reconnaissent à droite (de 43% à 52%). « Pas droitisation de la société mais droitisation de la droite ». Pierre Bréchon Le Monde 8/04/2015.

Dans cette enquête portant sur une quarantaine de pays, la France se situe en milieu de tableau. Ce nationalisme identitaire est plus élevé en Russie (54%), en Hongrie (44%) (Probablement aussi dans des pays comme la Turquie ou la Chine) ; voisin en GB (33%) ; plus faible en Finlande (23%), en Irlande (24%) en Suisse (25%).

3.2. Le travail philosophique : décryptage d’une situation complexe et effort de conceptualisation

  • ⇒  L’existence de cette trilogie atteste de ce qu’Henri Lefebvre, au moins sur cette période, se comporte en philosophe politique, à la fois en considérant que l’époque doit être analysée en faisant feu de tout bois, c’est-à-dire en mobilisant toutes les réflexions disponibles dans les différents registres permettant de comprendre l’histoire en train de se faire ; en pratiquant une observation active, et aussi en donnant toute sa place à un effort de conceptualisation (l’idéologie d’abord, la nation ensuite, la stratégie enfin) ; enfin en estimant ainsi faire œuvre utile.
  • ⇒  Ces textes ne trahissent pas l’émotion ou l’inquiétude de l’auteur, simplement une montée en puissance de l’urgence. Ils cherchent à comprendre, à donner à voir et ne se laissent pas aller à une théorie fermée sur elle-même, condamnant à l’impuissance.
  • ⇒  La pratique philosophique d’HL loin d’être éthérée est ancrée dans le monde, dans l’actualité, au plus près du quotidien. Lucidité
  • ⇒  « La propagande fasciste a su partir de thèmes quotidiens, liés à la vie immédiate : sol, famille, tradition, nationalité, etc. Ces thèmes n’étaient point spécifiquement fascistes : ils se sont trouvés disponibles. Le fascisme a su s’en emparer » (p 74).
  • ⇒  « Loin d’abandonner le domaine de ces lieux communs, il faut en faire comme au temps de Socrate, l’objet d’une réflexion systématique. On peut même penser que cette réflexion sur les lieux communs tels que le progrès, la conscience, la nation, sur leur fondement, leur vocabulaire, leurs aspects et leurs ambivalences est la tâche philosophique de l’époque » (p 77).3.3. Le concept de nation
  • ⇒  « Pour l’étudier à l’échelle mondiale, il faut d’abord disposer d’un instrument logique, d’un concept. Il faut une définition, une réponse à la question : Qu’est-ce qu’une nation? Cette définition doit être universelle, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas seulement être valable pour la France, ou pour tel ou tel autre pays ; elle ne doit pas être l’expression de la conscience nationale ou des problèmes nationaux d’un pays donné. De plus, elle ne doit pas seulement dire ce qu’est le fait national ; elle doit permettre de le déceler là où il se trouve confusément, où il se forme. Elle doit fournir un critère pratique là où un groupe a la prétention de posséder une nationalité ou de s’ériger en nation. Il est singulier de constater que le pacte de la SDN ne contienne aucune définition de la nationalité et de la nation » (p 96).
  • ⇒  Quels sont les critères permettant de déterminer l’existence d’une nation ? « La théorie des frontières naturelles reste assez répandue » (p 91). Pourtant elle n’est « qu’une fiction politique ». « La langue a une signification plus profonde que le lieu géographique ». Pourtant, « la Belgique est bilingue ; en Suisse, on parle trois langues. Or il existe incontestablement une nationalité belge et une nationalité suisse. Le caractère germanique du dialecte ne justifie pas l’attribution de la nationalité allemande à l’Alsace. La langue est plus importante dans la résistance ou la conservation de la nationalité que dans sa formation » (p 92-93). « La race ne définit pas la nationalité ». Du fait des brassages, elle est un mythe. « La religion n’est pas davantage un élément décisif de la nationalité. Elle a été plus importante à l’aurore du sentiment national… que dans l’époque moderne. Elle ne garde son rôle qu’en Orient » … « Définir la nation par l’Etat, c’est donc nier la nationalité comme fondement de l’existence nationale ; c’est affirmer implicitement que la nation est une création artificielle de l’activité politique » (p 96).

Qu’en conclure ? « Le fait national se révèle donc fluide et fuyant, presque insaisissable » (p 94). « A travers ces nombreuses tentatives de définition, la réalité nationale apparaît donc à la fois comme incontestable et cependant comme difficile à saisir. Faut-il s’en étonner, s’il est vrai que pour formuler le concept d’une réalité, il faut déjà la dépasser lucidement, en l’intégrant dans une totalité plus vaste ? Car définir c’est limiter, établir des rapports, surmonter l’isolement de la chose étudiée et la situer dans l’universel» (p 97). Rejet du fondement du concept, d’une essentialisation, substantialisation. La nation n’existe pas en soi. Démarcation implicite avec la définition conventionnelle, descriptive de la nation en vigueur à l’époque qui est celle de Staline.

Si le concept de nation n’a pas de sens en soi, alors il convient de faire appel à l’histoire, d’analyser le processus de formation des nations « La nation est une catégorie historique» (née, bien avant 1789, au 16ème siècle d’un double mouvement « un mouvement d’expansion et d’extension qui détruit les particularités locales, un mouvement de différenciation qui accentue certains traits originaux » (p 117). Et de mesurer ainsi les spécificités, les singularités nationales notamment entre la France ou l’Angleterre et l’Allemagne ou l’Italie dans lesquels le repli local a été puissant

Le recours à l’histoire vaut aussi pour les modalités d’insertion des nations dans des ensembles plus vastes. Besoin de prendre en compte les limites contemporaines de la nation : « La nation est aujourd’hui dépassée économiquement puisqu’il s’est formé un marché mondial et que toute nation est un fragment d’une économie plus vaste dont elle ne peut se détacher. Elle est aussi dépassée politiquement. La politique est mondiale. L’interdépendance des éléments est devenue telle que les grands problèmes de la paix et de la guerre se posent nécessairement en termes mondiaux ». (p 78). Plus tard, HL mettra en avant le besoin de raisonner à trois niveaux : le local, le national, le mondial.

 

3.4. Les différences de conception de la nation entre France et Allemagne

  • ⇒  La comparaison entre France et Allemagne se situent d’abord dans deux conceptions différentes de la nation « La lignée française tend à définir la nation par la conscience … comme volonté générale et vouloir vivre collectif » (p 98). La tradition allemande au contraire cherche « un critère purement objectif » (p 100). La première sous-estime l’inconscient. La seconde glisse vers « une métaphysique desorigines » (p 101) et donc « prélude aux revendications racistes « (p 104) …
  • ⇒  Ne se laissant pas aller à un choix arbitraire à caractère patriotique qui conduirait à préférer la lignée française à la lignée allemande, HL montre les limites des 2

conceptions : « La conception française et la conception allemande sont toutes deux unilatérales. Chacune aperçoit ce qui échappe à l’autre ; chacune a raison dans ce qu’elle affirme et tort dans ce qu’elle nie … Chacune a raison dans la mesure où elle exprime une réalité, et tort dans la mesure où elle tronque le réel ou exprime une réalité tronquée … Une vérité partielle systématisée en absolu devient une erreur » (p 103)

  • ⇒  Mais cette comparaison recouvre aussi 2 processus de formation de la nation « La confusion des origines n’a pas empêché le sentiment national français d’être précoce et solide. Et cette confusion n’a jamais beaucoup préoccupé les philosophes et les historiens. En Allemagne au contraire, les origines sont moins complexes mais le sentiment national est resté beaucoup plus incertain. Il s’est donc retourné vers ses origines pour en créer un mythe, qui s’identifie avec la métaphysique des forces obscures du sol et du sang » (p 111 et 112)
  • ⇒  «Le nationalisme allemand est apparu d’autant plus profond et violent que l’Allemagne s’est érigée plus difficilement en nation réelle. Ce sentiment national s’est greffé sur de vieux particularismes locaux et il a voulu les surmonter ; ne pouvant y arriver par une maturation naturelle, il s’y est efforcé par l’exaltation idéologique » (p 100)
  • ⇒  « Une des principales difficultés pour ceux qui s’efforcent de lancer en France une idéologie fasciste pourvue d’un certain dynamisme est d’arriver à poser l’idée de la nation française dans l’avenir, comme but d’une action nouvelle. Leurs thèmes et leurs discours n’ont jamais atteint cette tension émotionnelle que les hitlériens tirent de la vision prophétique, mille fois répétée, du troisième Reich, le Reich de l’avenir … Historiquement, du point de vue qui est nécessairement celui de la réaction et du fascisme, la France est achevée » (p 54).3.5. Le nationalisme allemand s’inscrit dans les années trente dans l’idéologie hitlérienne

Pour HL, l’hitlérisme ne doit pas être sous-estimé, il doit être pris très au sérieux, d’autant qu’il s’enracine solidement : « L’idéologie hitlérienne est un syncrétisme extrêmement complexe dont les origines sont profondes et lointaines dans la pensée allemande » (p 70)

L’idéologie hitlérienne s’est constituée en utopie, une utopie dans lequel le nationalisme joue un rôle moteur : « Actuellement, le fascisme (et, en particulier, l’hitlérisme) menace certains pays, comme la France dans leur existence … Il veut supprimer des peuples, des nations, des classes … Si l’on va jusqu’au bout de la pensée, c’est-à-dire des rêves mégalomanes des hitlériens, on y devine cet espoir d’un univers dominé par la race des conquérants aryens, d’un monde où le marché serait supprimé, où la distribution directe (socialiste !) des produits serait institué … sous la domination des néo-féodaux » (p 84-85)

Quelles sont les composantes de cette mythologie nationaliste ?

o Premièrecomposante,ils’agitdefairevaloirunbesoind’achèvementde la nation allemande, en exagérant son inachèvement et en érigeant la communauté nationale comme un absolu : « L’habileté du nazisme fut de s’emparer d’une vieille nostalgie qui traînait dans la littérature et dans la philosophie allemande et datait du temps où l’Allemagne cherchait encore son unité économique et politique. Les hitlériens surent présenter le problème administratif et culturel comme un problème politique. Ils surent lier ce

problème à un profond besoin de communauté apparu en Allemagne à la suite de la crise de l’individualisme et qui ne trouvait pour s’exprimer que de vieilles idées et de vieux symboles d’origine moyenâgeuse. Les nazis identifièrent donc la réalisation de la communauté allemande avec la destruction des derniers particularismes et en même temps avec la destruction des partis politiques ; avec la destruction enfin dus système qui permettait ces partis : la démocratie … Le troisième Reich sera donc la communauté organique totale, la nation allemande enfin accomplie. Cette nation fétiche ainsi proclamée dans l’absolu n’a plus rien de commun avec le bonheur des hommes. Elle existe comme une substance mystique auprès de laquelle les hommes qui la composent ne sont rien » (p 154 et 155)

o Deuxième composante, il s’agit de désigner un ennemi, un obstacle à balayer pour ériger cet absolu : « Il fallait que l’unité et même l’existence politique de la nation allemande parût menacée par une minorité » (p 156). « C’est précisément parce que les Juifs se mêlaient au peuple allemand (notamment par des mariages) que l’on a pu les accuser de souiller la race aryenne. La question raciale est donc basée sur une mystification fondamentale : on a présenté comme un danger pour la nation allemande un groupe ethnique qui précisément avait cessé d’avoir tout caractère externe et menaçant. Cette opération a eu un double caractère politique et idéologique. On a pu désigner un ennemi public, le Juif, et compromettre à la fois la démocratie, l’universalisme, l’intelligence et la culture démocratique » (p156).

o Troisième composante, il s’agit de prendre l’absolu nationaliste au pied de la lettre en le concevant comme une religion. « La nation veut les âmes. Les religions sont donc brutalement menacées non seulement en tant que forces politiques, mais dans l’intimité elle-même des êtres … L’éducation national-socialiste se propose expressément de façonner l’individu et de lui apprendre à faire librement le sacrifice de lui-même à la totalité. Elle vise nécessairement à créer une religion nouvelle ». (p 157)

o Quatrième composante, cet idéal aboutit à dissoudre la communauté réelle. « Imaginons un fanatisme celtique qui attaquerait Diderot, Voltaire, Montaigne, Rabelais parce qu’ils sont trop rationnels, trop critiques, donc dissolvants ; et qui proposerait comme but spirituel d’aller en robe blanche cueillir du gui sur les chênes ! » (p 157). « Le biologisme le plus brutal, le mysticisme, le réalisme machiavélique s’entremêlent dans une dissolution générale de l’esprit. La notion même de culture et de communauté réelle est menacée » (p 158)

3.6. Comment expliquer l’impact de l’idéologie hitlérienne ?

⇒ « La propagande du socialisme et du marxisme s’est trop longtemps basée sur le seul instinct de nutrition … Les valeurs de l’arsenal nationaliste et fasciste (inconscient, hérédité, famille, spontanéité, fidélité, forces du passé et intérêt aux générations futures, continuité de l’existence) représentent le noyau biologique réel de l’existence sociale. En s’en emparant, en les détachant et en exaltant ces valeurs pour elles-mêmes, en les retournant contre les problèmes techniques de la production, le fascisme est mystificateur. Mais le bloc de ces sentiments a parfois une force élémentaire dont il faut tenir compte … Les marxistes … ont …

négligé les instincts et les valeurs humaines de communauté ; ou plutôt ils les ont trop souvent considérés sous l’aspect unilatéral de la solidarité de classe. Or le besoin de communauté est plus vaste, plus équivoque aussi. Il comporte des survivances biologiques, mystiques, patriarcales ; il comporte également des aspirations confuses … La communauté humaine est un besoin, une aspiration profonde des hommes » (p 75).

⇒ Henri Lefebvre se démarque ainsi de Lukacs, philosophe hongrois, fameux à cette époque pour avoir forgé le concept de conscience de classe qui a contribué à une vision étroite de la société, uniquement conçue sous l’angle de la division en classe, avec une approche économique structurante et réductrice. Là où Henri Lefebvre met en avant toute la complexité et la subtilité de la conscience sociale, et d’une de ces formes la conscience nationale.

3.7. Postface
Faire face à la confusion « Le nationalisme porte à l’absolu ce que le patriotisme prend relativement : valeurs, culture, traditions. Le premier est exclusif et le second respectueux des appartenances. Le nationalisme oppose le peuple aux autres …, il est donc agressif, irritable, guerrier. Le patriotisme au contraire tendait et tend encore la main aux autres (peuples) … il comprend l’attachement à un autre territoire et même à une autre constitution politique. Il naît de l’attachement productif et novateur à l’histoire, à la langue et au terroir – alors que le nationalisme naît de l’attachement à la propriété (du sol, des richesses). Le patriotisme ne remplit pas d’amertume la forme nationale de la société : il ne vit pas de ressentiments » (p 189).

 

 

Conférence faite  à la Sorbonne, le 11 mars 1882

Qu’est ce qu’une nation ?

Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n’en font qu’une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est dans le passé, l’autre dans le présent. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs ; l’autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage qu’on a reçu indivis.

L’homme, messieurs ne s’improvise pas. La nation, comme l’individu, est l’aboutissant d’un long passé d’efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple.
On aime en proportion des sacrifices qu’on a consentis, des maux qu’on a soufferts. On aime la maison qu’on a bâtie et qu’on transmet. Le chant spartiate : “Nous sommes ce que vous fûtes ; nous serons ce que vous êtes” est dans sa simplicité l’hymne abrégé de toute patrie. Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets à partager, dans l’avenir un même programme à réaliser ; avoir souffert, joui, espéré ensemble, voilà ce qui vaut mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées stratégiques ; oui, la souffrance en commun unit à plus que la joie. En fait de souvenirs nationaux, les deuils valent mieux que les triomphes, car ils imposent des devoirs, ils commandent l’effort en commun. (…)
Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiments de sacrifices qu’on a faits et de ceux qu’on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie (…)
L’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue, ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni de la direction des chaînes de montagnes. Une grande agrégation d’hommes, saine d’esprit et chaude de cœur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation. 

Ernest Renan
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Joseph Ernest Renan, né le 28 février 1823 à Tréguier et mort le 2 octobre 1892 à Paris, est un écrivain, philologue, philosophe et historien français.  Page Wikipédia

 

 

 

ANNEXES

Ouvrages d’Henri Lefebvre

(NB : cette bibliographie sera progressivement augmentée de celle des articles d’Henri Lefebvre et des études sur lui. Elle reprend et complète celle parue dans Rémi Hess, Henri Lefebvre et l’aventure du siècle, Paris, A. M. Métailié, 1988)

– Schelling, Recherches philosophiques sur l’essence de la liberté humaine et sur les problèmes qui s’y rattachent, introduction (« Le même et l’autre », p. 7-64), traduction de Georges Politzer, Paris, Rieder, 1926.
– (en collaboration avec Norbert Guterman) Karl Marx, Morceaux choisis, introduction, textes choisis par Paul Nizan et Jean Duret, Paris, NRF, 1934 (rééd. partielle. Karl Marx, Œuvres choisies, Paris, Gallimard, 1963-1964, 2 vol., coll. « Idées »).

– (en collaboration avec Norbert Guterman) La Conscience mystifiée, Paris, NRF, 1936, coll. « Les Essais » (rééd., Paris, Le Sycomore, 1979 ; Paris, Syllepse, 1999, augmentée de La Conscience privée, préfaces de Lucien Bonnafé et René Lourau).
– Le Nationalisme contre les nations, préface de Paul Nizan, Paris, Éditions sociales internationales, 1937, coll. « Problèmes » (rééd. avec présentation de Michel Trebitsch et postface d’Henri Lefebvre, Paris, Méridiens Klincksieck, 1988).

– Hitler au pouvoir. Les enseignements de cinq années de fascisme en Allemagne, Paris, Bureau d’éditions, 1938.
– (en collaboration avec Norbert Guterman) Cahiers de Lénine sur la dialectique de Hegel, traduction, introduction et notes, Paris, NRF, 1938 (rééd. Paris, Gallimard, 1967, coll. « Idées

»).
(en collaboration avec Norbert Guterman) Hegel, Morceaux choisis, traduction et introduction, Paris, NRF, 1939 (rééd. Paris, Gallimard, 1969, 2 vol., coll. « Idées »).
– Nietzsche, Paris, Éditions sociales internationales, 1939, coll. « Socialisme et culture » (rééd. Paris, Syllepse, avec une préface de Michel Trebitsch, à paraître).
– Le Matérialisme dialectique, Paris, Alcan, 1940, « Nouvelle encyclopédie philosophique » (rééd. Paris, PUF, 1947, 7e en 1974).
– L’Existentialisme, Paris, Éditions du Sagittaire, 1946.
– Logique formelle, logique dialectique (tome 1 de A la lumière du matérialisme dialectique), Paris, Éditions sociales, 1947 (2e éd. avec préface, Paris, Anthropos, 1969, 3e éd. Paris, – Messidor-Éditions sociales, 1982).

– Critique de la vie quotidienne, I. Introduction, Paris, Grasset, 1947, coll. « Les Témoins » (rééd. avec avant-propos, Paris, L’Arche, 1958, coll. « Le sens de la marche »).
– Marx et la liberté, Genève, Éditions des Trois collines, 1947.
– Descartes, Paris, Éditions d’Hier et d’aujourd’hui, 1947.

– Pour connaître la pensée de Karl Marx, Paris, Bordas, 1948, coll. « Pour connaître » (2e éd. augmentée avec préface d’avril 1955, Paris, Bordas, 1956 ; 3e éd. avec préface de février 1985, Paris, Bordas, 1985).
– Le Marxisme, Paris, PUF, 1948, coll. « Que sais-je ? » n° 300 (20e éd. 1983).

– Diderot, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1949, coll. « Hier et aujourd’hui » (rééd. Diderot, ou les affirmations fondamentales du matérialisme, Paris, L’Arche, 1983, coll. « Le sens de la marche »).
– Pascal, tome 1, Paris, Nagel, 1949, coll. « Pensées ».
– Contribution à l’esthétique, Paris, Éditions sociales, 1953.
– Pascal, tome 2, Paris, Nagel, 1954, coll. « Pensées ».
– Musset, Paris, L’Arche, 1955, coll. « Les grands dramaturges » (2e éd. revue et corrigée, 1970, coll. « Travaux »).
– Rabelais, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1955.
– Pignon, Paris, Édition Falaise, 1956 (2e éd. augmentée, Paris, Le Musée de Poche, Jacques Goldschmidt, ill., 1970).
– Pour connaître la pensée de Lénine, Paris, Bordas, 1957, coll. « Pour connaître ».
– Problèmes actuels du marxisme, Paris, PUF, 1958 (4e éd., 1970, coll. « Initiation philosophique »).
– Allemagne, Paris-Zurich, Éd. Braun-Atlantis Verlag, photos et notices par Martin Hurlimann, 1958.
– La Somme et le reste, Paris, La Nef de Paris, 2 vol., 1959 (2e éd. tome 2 seulement, Paris, Bélibaste, 1973 ; 3e éd. complète, présentation de René Lourau, Paris, Méridiens Klincksieck, 1989).
– Critique de la vie quotidienne, II. Fondements d’une sociologie de la quotidienneté, Paris, L’Arche, 1962.
– Introduction à la modernité, Paris, Éditions de Minuit, 1962, coll. « Arguments ».
– La vallée de Campan. Étude de sociologie rurale, Paris, PUF, 1963, coll. « Bibliothèque de sociologie contemporaine ».
– Marx, Paris, PUF, 1964, coll. « Philosophes ».
– Pyrénées, Lausanne, Éd. Rencontre, 1965, coll. « L’Atlas des voyages ».
– Métaphilosophie, Paris, Éditions de Minuit, 1965, coll. « Arguments » (rééd. Paris, Syllepse, 2000, préface de Georges Labica).
– La Proclamation de la Commune, Paris, Gallimard, 1965, coll. « Trente journées qui ont fait la France ».
– Le Langage et la société, Paris, Gallimard, 1966, coll. « Idées ».
– Sociologie de Marx, Paris, PUF, 1966, coll. « Sup » (3e éd. 1974, coll. « Le sociologue »).
– Position : contre les technocrates, Paris, Gonthier, 1967 (rééd. Vers le cybernanthrope, contre les technocrates, Paris, Denoël-Gonthier, 1971, coll. « Médiations »).

– Le Droit à la ville, Paris, Anthropos, 1968.
– La Vie quotidienne dans le monde moderne, Paris, Gallimard, 1968, coll. « Idées ».
– L’Irruption de Nanterre au sommet, Paris, Anthropos, 1968 (rééd. Mai 1968, l’irruption de Nanterre au sommet, Paris, Syllepse, 1998, oréface et postface de René Lourau, René Mouriaux, Pierre Cours-Salies).
– Du rural à l’urbain, Paris, Anthropos, 1970.
– La Révolution urbaine, Paris, Gallimard, 1970, coll. « Idées ».
– La Fin de l’histoire, Paris, Editions de Minuit, coll. « Arguments », 1970.
– Le Manifeste différentialiste, Paris, Gallimard, 1971, coll. « Idées ».
– Au-delà du structuralisme, Paris, Anthropos, 1971.
– La Pensée marxiste et la ville, Paris-Tournai, Castermann, 1972, coll. « Mutations- Orientations ».
– Trois textes pour le théâtre (Dans le ventre du cheval, L’incendiaire, Je-tu(e)-il ou : le chant du signe), Paris, Anthropos, 1972.
– (avec Pierre Fougeyrollas) Le Jeu de Kostas Axelos, Montpellier, Fata Morgana, 1973;
– Espace et politique (Le droit à la ville II), Paris, Anthropos, 1973.
– La Survie du capitalisme, la reproduction des rapports de production, Paris, Anthropos, 1973.
– La Production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974.
– Le Temps des méprises, Paris, Stock, 1975, coll. « Les grands leaders ».
– Hegel, Marx, Nietzsche ou le royaume des ombres, Paris-Tournai, Castermann, 1975, coll. « Synthèses contemporaines ».
– L’Idéologie structuraliste, Paris, Seuil, 1975, coll. « Points » (rééd. partielle de Au-delà du structuralisme).
– De l’État, Paris, UGE, coll. « 10:18 », 4 tomes :
1. L’État dans le monde moderne, 1976.
2. Théorie marxiste de l’État de Hegel à Mao, 1976.
3. Le mode de production étatique, 1977.
4. Les contradictions de l’État moderne (La dialectique et/de l’État), 1978.
– (en collaboration avec Catherine Régulier) La Révolution n’est plus ce qu’elle était, Paris, Editions libres-Hallier, 1978.
– La Présence et l’absence. Contribution à la théorie des représentations, Paris, Castermann, 1980, coll. « Synthèses contemporaines ».
– Une pensée devenue monde. Faut-il abandonner Marx ?, Paris, Fayard, 1980.
– Critique de la vie quotidienne, III. De la modernité au modernisme (Pour une métaphilosophie du quotidien), Paris, L’Arche, 1981, coll. « Le sens de la marche ».
– Qu’est-ce que penser ?, Paris, Publisud, 1985.
– Le Retour de la dialectique. Douze mots-clefs pour le monde moderne, Paris, Messidor- Editions sociales, 1986, coll. « Théorie ».
– Lukacs 1955, Paris, Aubier, 1986 (avec Patrick Tort, Etre marxiste aujourd’hui).
– (en collaboration avec le groupe de Navarrenx) Du contrat de citoyenneté, Paris, Syllepse et Périscope, 1991.
– Éléments de rythmanalyse. Introduction à la connaissance des rythmes, préface de René Lourau, Paris, Syllepse, 1992

 

En savoir + :

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Pour en savoir plus…

Publications (Ouvrages collectifs)

« Travail et ergologie. Entretiens sur l’activité humaine », sous la direction d’Yves Schwartz et Louis Durrive, Editions Octares, 2003.

« Demain l’emploi », en collaboration avec Jean-Christophe Le Duigou, Editions de L’Atelier, 1998.

« Reconnaissances du travail », sous la direction d’Yves Schwartz, PUF, 1997.

« Le travail à l’épreuve du salariat : A propos de la fin du travail », sous la direction de Paul Bouffartigue et d’Henri Eckert, L’Harmattan, 1997.

Articles

« Le métier de consultant auprès des institutions représentatives du personnel«  Faire Savoirs n°0. Juin 2001.

« Interrogations sur la démarche et les orientations de la discipline économique«  Société française. N°46. Printemps 1993.

Henri Lefebvre (1901-1991)

Près de dix ans après sa mort, la pensée d’Henri Lefebvre demeure, sinon incomprise ou méconnue, du moins mal interprétée, parce qu’il n’a jamais été facile de la classer sur la table de Mendeleiev de la « pensée contemporaine ». Trop communiste pour être philosophe, trop philosophe pour être communiste, Lefebvre n’a sans doute pas su se construire un profil de carrière susceptible de le faire reconnaître pleinement par l’une ou l’autre des institutions, de se muer en académicien de la conscience comme Sartre ou Aron, ou en apparatchik politique comme Aragon. Cela est bien connu lorsqu’il s’agit de l’histoire de ses rapports avec le parti communiste. Venant de l’avant-garde politico-mystique (le groupe Philosophies), il y entre en 1928, mais pour tenter de faire de la théorie marxiste à l’heure où Staline prépare la collectivisation et où Thorez va mettre en place la stalinisation à la française. On comprend que les intellectuels-de-parti n’aient pas su par quel bout prendre quelqu’un qui travaillait non seulement, le premier en France, sur les fameux « manuscrits de jeunesse » de Marx destinés à un si bel avenir de coupure épistémologique, mais aussi sur Hegel, sur Nietzsche, sur Kierkegaard, sur Pascal. La seule époque où Henri Lefebvre fera figure de « philosophe officiel » du PCF durera de la Libération à l’automne 1947, et c’est la seule où il donnera quelques gages douteux de bonne volonté, en particulier dans l’« affaire Nizan ». Mais c’est aussi le moment où il publie des ouvrages bien éloignés de la « science prolétarienne », en particulier le premier volume de Critique de la vie quotidienne. Sa rupture avec le stalinisme, progressive dès 1953, ouverte dès avant 1956, conduira à son exclusion en 1958 (Michel Trebitsch : L’exclusion d’Henri Lefebvre en 1958 : philosophie et politique)..
On ne peut donc s’étonner que le parti communiste ne se soit pas réellement intéressé à la pensée de Lefebvre, sauf à des fins publicitaires, puis pour le condamner, avant de le réintroduire à partir des années 1980. Ce qui est autrement plus captivant et même énigmatique, c’est la relation établie par la philosophie française avec le marxisme lefebvrien. La place qui lui est accordée dans les (rares) ouvrages sur la question est étonnamment limitée, voire nulle. Qu’on aimerait rappeler, pourtant, à Vincent Descombes que Le Même et l’autre est le titre de l’introduction rédigée par Henri Lefebvre aux Recherches philosophique sur l’essence de la liberté humaine de Schelling, parues chez Rieder en 1926 ! On peut émettre l’hypothèse que la méconnaissance à l’égard de Lefebvre est, en France, à l’exacte mesure de la fascination équivoque exercée par Heidegger. La phénoménologie à la française, qu’elle se soit appelée existentialisme dans les années 1950 ou structuralisme dans les années 1960, ne pouvait susciter qu’un mécanisme de rejet à l’endroit de la tentative de greffe lefebvrienne. Le débat avec Henri Lefebvre a été minutieusement circonscrit : quelques lignes chez Sartre (Critique de la raison dialectique), quelques affrontements plus sérieux sur Pascal et l’aliénation avec Lucien Goldmann, c’est-à-dire, indirectement, avec Lukàcs. Voilà pourquoi ce n’est jamais véritablement la pensée de Lefebvre qui a été discutée en France (à la différence de l’Allemagne, de l’Italie et, plus récemment, des États-Unis), mais son statut de philosophe. Défini avant tout comme sociologue (du quotidien, de la ville, de l’urbain, avant tout) et enfermé dans cette fonction, il ne pouvait qu’être perdant face à la montée en puissance de la sociologie américaine d’un côté, du monolithe bourdivin de l’autre. Mais personne n’a tenté d’éclairer les choix sociologiques de Lefebvre par sa posture philosophique, c’est-à-dire la volonté d’introduire dans la pensée, de faire accéder à la pensée, comme il aimait à le dire, un certain nombre de concepts, parmi lesquels, au tout premier rang, celui de quotidienneté et celui de modernité (Michel Trebitsch : Henri Lefebvre en regard de Michel de Certeau : Critique de la vie quotidienne). On lui lançait alors un autre reproche oblique : ses élaborations conceptuelles demeuraient approximatives, sinon fumeuses. Et depuis quand le « je ne sais quoi » a-t-il empêché Jankelevitch d’être pris pour un philosophe et non pas pour un essayiste ?
Henri Lefebvre a beaucoup écrit, peut-être trop, et s’il s’est répété souvent, c’est qu’une même interrogation parcourt l’ensemble de son oeuvre. Ses premiers textes publiés, en 1924-1925, sont des « Fragments d’une philosophie de la conscience ». De La Conscience mystifiée (1936) à Critique de la vie quotidienne (1947), d’Introduction à la modernité (1962) à La Fin de l’histoire (1970), de La Présence et l’absence (1980) à Qu’est-ce que penser ? (1985), il n’a cessé de vouloir fournir à cette interrogation sur les conditions de la conscience une réponse qui soit à la fois philosophique et métaphilosophique, parce que le marxisme lui apparaissait à la fois comme philosophie et dépassement de la philosophie. Les seuls qui aient réellement tenté de débattre avec Henri Lefebvre, ce sont les milieux chrétiens : le personnalisme aux temps de la naissance d‘Esprit, des jésuites comme le Père Calvez au lendemain de la guerre. Ce n’est pas un hasard. La phénoménologie à la française s’est construite à la fois contre le marxisme et contre la partie la plus visible, ou du moins la plus militante, de l’existentialisme chrétien. Peut-être est-ce ce dernier qui, au bout du compte, l’a emporté ; mais quand se constitue l’existentialisme sartrien, puis quand se met en branle, via Lévi-Strauss, Barthes ou Althusser, la victoire structuraliste des « sciences de l’homme » sur la philosophie, c’est par référence et en situation polémique par rapport au marxisme. C’est en ce sens que, face à Marx, il fallait un héros (héraut ?) – Heidegger – et des vérités marginales (Kojève, Bataille, le Collège de sociologie) ou exotiques (Lukàcs, Marcuse, l’école de Francfort), et surtout pas chercher, là, sous nos pieds, si quelqu’un d’autre s’essayait aux mêmes exercices spirituels : pourquoi des penseurs en temps de détresse ?

Michel Trebitsch


Ouvrages d’Henri Lefebvre

(NB : cette bibliographie sera progressivement augmentée de celle des articles d’Henri Lefebvre et des études sur lui. Elle reprend et complète celle parue dans Rémi Hess, Henri Lefebvre et l’aventure du siècle, Paris, A. M. Métailié, 1988)


– Schelling, Recherches philosophiques sur l’essence de la liberté humaine et sur les problèmes qui s’y rattachent, introduction (« Le même et l’autre », p. 7-64), traduction de Georges Politzer, Paris, Rieder, 1926.
– (en collaboration avec Norbert Guterman) Karl Marx, Morceaux choisis, introduction, textes choisis par Paul Nizan et Jean Duret, Paris, NRF, 1934 (rééd. partielle. Karl Marx, Œuvres choisies, Paris, Gallimard, 1963-1964, 2 vol., coll. « Idées »).
– (en collaboration avec Norbert Guterman) La Conscience mystifiée, Paris, NRF, 1936, coll. « Les Essais » (rééd., Paris, Le Sycomore, 1979 ; Paris, Syllepse, 1999, augmentée de La Conscience privée, préfaces de Lucien Bonnafé et René Lourau).
Le Nationalisme contre les nations, préface de Paul Nizan, Paris, Éditions sociales internationales, 1937, coll. « Problèmes » (rééd. avec présentation de Michel Trebitsch et postface d’Henri Lefebvre, Paris, Méridiens Klincksieck, 1988).
Hitler au pouvoir. Les enseignements de cinq années de fascisme en Allemagne, Paris, Bureau d’éditions, 1938.
– (en collaboration avec Norbert Guterman) Cahiers de Lénine sur la dialectique de Hegel, traduction, introduction et notes, Paris, NRF, 1938 (rééd. Paris, Gallimard, 1967, coll. « Idées »).
(en collaboration avec Norbert Guterman) Hegel, Morceaux choisis, traduction et introduction, Paris, NRF, 1939 (rééd. Paris, Gallimard, 1969, 2 vol., coll. « Idées »).
Nietzsche, Paris, Éditions sociales internationales, 1939, coll. « Socialisme et culture » (rééd. Paris, Syllepse, avec une préface de Michel Trebitsch, à paraître).
Le Matérialisme dialectique, Paris, Alcan, 1940, « Nouvelle encyclopédie philosophique » (rééd. Paris, PUF, 1947, 7e en 1974).
L’Existentialisme, Paris, Éditions du Sagittaire, 1946.
Logique formelle, logique dialectique (tome 1 de A la lumière du matérialisme dialectique), Paris, Éditions sociales, 1947 (2e éd. avec préface, Paris, Anthropos, 1969, 3e éd. Paris, – Messidor-Éditions sociales, 1982).
Critique de la vie quotidienne, I. Introduction, Paris, Grasset, 1947, coll. « Les Témoins » (rééd. avec avant-propos, Paris, L’Arche, 1958, coll. « Le sens de la marche »).
Marx et la liberté, Genève, Éditions des Trois collines, 1947.
Descartes, Paris, Éditions d’Hier et d’aujourd’hui, 1947.
Pour connaître la pensée de Karl Marx, Paris, Bordas, 1948, coll. « Pour connaître » (2e éd. augmentée avec préface d’avril 1955, Paris, Bordas, 1956 ; 3e éd. avec préface de février 1985, Paris, Bordas, 1985).
Le Marxisme, Paris, PUF, 1948, coll. « Que sais-je ? » n° 300 (20e éd. 1983).
Diderot, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1949, coll. « Hier et aujourd’hui » (rééd. Diderot, ou les affirmations fondamentales du matérialisme, Paris, L’Arche, 1983, coll. « Le sens de la marche »).
Pascal, tome 1, Paris, Nagel, 1949, coll. « Pensées ».
Contribution à l’esthétique, Paris, Éditions sociales, 1953.
Pascal, tome 2, Paris, Nagel, 1954, coll. « Pensées ».
Musset, Paris, L’Arche, 1955, coll. « Les grands dramaturges » (2e éd. revue et corrigée, 1970, coll. « Travaux »).
Rabelais, Paris, Les Éditeurs français réunis, 1955.
Pignon, Paris, Édition Falaise, 1956 (2e éd. augmentée, Paris, Le Musée de Poche, Jacques Goldschmidt, ill., 1970).
Pour connaître la pensée de Lénine, Paris, Bordas, 1957, coll. « Pour connaître ».
Problèmes actuels du marxisme, Paris, PUF, 1958 (4e éd., 1970, coll. « Initiation philosophique »).
Allemagne, Paris-Zurich, Éd. Braun-Atlantis Verlag, photos et notices par Martin Hurlimann, 1958.
La Somme et le reste, Paris, La Nef de Paris, 2 vol., 1959 (2e éd. tome 2 seulement, Paris, Bélibaste, 1973 ; 3e éd. complète, présentation de René Lourau, Paris, Méridiens Klincksieck, 1989).
Critique de la vie quotidienne, II. Fondements d’une sociologie de la quotidienneté, Paris, L’Arche, 1962.
Introduction à la modernité, Paris, Éditions de Minuit, 1962, coll. « Arguments ».
La vallée de Campan. Étude de sociologie rurale, Paris, PUF, 1963, coll. « Bibliothèque de sociologie contemporaine ».
Marx, Paris, PUF, 1964, coll. « Philosophes ».
Pyrénées, Lausanne, Éd. Rencontre, 1965, coll. « L’Atlas des voyages ».
Métaphilosophie, Paris, Éditions de Minuit, 1965, coll. « Arguments » (rééd. Paris, Syllepse, 2000, préface de Georges Labica).
La Proclamation de la Commune, Paris, Gallimard, 1965, coll. « Trente journées qui ont fait la France ».
Le Langage et la société, Paris, Gallimard, 1966, coll. « Idées ».
Sociologie de Marx, Paris, PUF, 1966, coll. « Sup » (3e éd. 1974, coll. « Le sociologue »).
Position : contre les technocrates, Paris, Gonthier, 1967 (rééd. Vers le cybernanthrope, contre les technocrates, Paris, Denoël-Gonthier, 1971, coll. « Médiations »).
Le Droit à la ville, Paris, Anthropos, 1968.
La Vie quotidienne dans le monde moderne, Paris, Gallimard, 1968, coll. « Idées ».
L’Irruption de Nanterre au sommet, Paris, Anthropos, 1968 (rééd. Mai 1968, l’irruption de Nanterre au sommet, Paris, Syllepse, 1998, oréface et postface de René Lourau, René Mouriaux, Pierre Cours-Salies).
Du rural à l’urbain, Paris, Anthropos, 1970.
La Révolution urbaine, Paris, Gallimard, 1970, coll. « Idées ».
La Fin de l’histoire, Paris, Editions de Minuit, coll. « Arguments », 1970.
Le Manifeste différentialiste, Paris, Gallimard, 1971, coll. « Idées ».
Au-delà du structuralisme, Paris, Anthropos, 1971.
La Pensée marxiste et la ville, Paris-Tournai, Castermann, 1972, coll. « Mutations-Orientations ».
Trois textes pour le théâtre (Dans le ventre du cheval, L’incendiaire, Je-tu(e)-il ou : le chant du signe), Paris, Anthropos, 1972.
– (avec Pierre Fougeyrollas) Le Jeu de Kostas Axelos, Montpellier, Fata Morgana, 1973;
Espace et politique (Le droit à la ville II), Paris, Anthropos, 1973.
La Survie du capitalisme, la reproduction des rapports de production, Paris, Anthropos, 1973.
La Production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974.
Le Temps des méprises, Paris, Stock, 1975, coll. « Les grands leaders ».
Hegel, Marx, Nietzsche ou le royaume des ombres, Paris-Tournai, Castermann, 1975, coll. « Synthèses contemporaines ».
L’Idéologie structuraliste, Paris, Seuil, 1975, coll. « Points » (rééd. partielle de Au-delà du structuralisme).
De l’État, Paris, UGE, coll. « 10:18 », 4 tomes :
1. L’État dans le monde moderne, 1976.
2. Théorie marxiste de l’État de Hegel à Mao, 1976.
3. Le mode de production étatique, 1977.
4. Les contradictions de l’État moderne (La dialectique et/de l’État), 1978.
– (en collaboration avec Catherine Régulier) La Révolution n’est plus ce qu’elle était, Paris, Editions libres-Hallier, 1978.
La Présence et l’absence. Contribution à la théorie des représentations, Paris, Castermann, 1980, coll. « Synthèses contemporaines ».
Une pensée devenue monde. Faut-il abandonner Marx ?, Paris, Fayard, 1980.
Critique de la vie quotidienne, III. De la modernité au modernisme (Pour une métaphilosophie du quotidien), Paris, L’Arche, 1981, coll. « Le sens de la marche ».
Qu’est-ce que penser ?, Paris, Publisud, 1985.
Le Retour de la dialectique. Douze mots-clefs pour le monde moderne, Paris, Messidor-Editions sociales, 1986, coll. « Théorie ».
Lukacs 1955, Paris, Aubier, 1986 (avec Patrick Tort, Etre marxiste aujourd’hui).
– (en collaboration avec le groupe de Navarrenx) Du contrat de citoyenneté, Paris, Syllepse et Périscope, 1991.
Éléments de rythmanalyse. Introduction à la connaissance des rythmes, préface de René Lourau, Paris, Syllepse, 1992.


Travaux de Michel Trebitsch sur Henri Lefebvre

Préfaces

– Henri Lefebvre, Le Nationalisme contre les nations, réédition, Paris, Méridiens Klincksieck, 1988, p. 7-17.
– Henri Lefebvre, Critique of Everyday Life. Volume I. Introduction, traduction anglaise, Londres, Verso, 1991, p. IX-XXVIII.
– Henri Lefebvre, Critique of Everyday Life. Volume II. Foundations for a Sociology of the Everyday, traduction anglaise, Londres, Verso, 2002, p. IX-XXIX.
– Henri Lefebvre, Nietzsche, réédition, Paris, Syllepse, à paraître.
– Henri Lefebvre, Critique of Everyday Life. Volume III. (1981), traduction anglaise, Londres, Verso, à paraître 2004.


Articles et contributions

– « Le philosophe et le politique », dans Henri Lefebvre, Lukàcs 1955 / Patrick Tort, Etre marxiste aujourd’hui, Paris, Aubier, 1986, p. 21-24.
– « Le renouveau philosophique avorté des années trente », entretien avec Henri Lefebvre, Europe, n° 683, mars 1986, p. 28-40.
– « Les mésaventures du groupe Philosophies (1924-1933) », La Revue des revues, n° 3, printemps 1987, p. 6-9.
– « Le groupe Philosophies, de Max Jacob aux Surréalistes », dans Jean-François Sirinelli (dir.), « Générations intellectuelles », Cahiers de l’IHTP, n° 6, novembre 1987, p. 29-38.
– « Henri Lefebvre et la revue Avant-Poste : une analyse marxiste marginale du fascisme », Lendemains, n° 57, 1990, p. 77-88.
– « Le groupe Philosophies et les surréalistes (1924-1925) », Mélusine, n° XI, 1990, p. 63-86.
– « Philosophie et marxisme dans les années trente : le marxisme critique d’Henri Lefebvre », dans Régine Robin (dir.), L’Engagement des intellectuels dans la France des années trente (Actes du colloque de l’UQAM, Montréal, mai 1989), Université du Québec à Montréal, 1990, p. 12-44 (version anglaise dans « Engagement : French cultural politics in the Thirties », Annals of Scholarship, 1991, vol. 8, n° 1, p. 9-32.).
– « Henri Lefebvre : Critique de la vie quotidienne », Revue M, n° 50, décembre 1991, p. 27-33.
– « Correspondances d’intellectuels. Le cas des lettres d’Henri Lefebvre à Norbert Guterman (1935-1947) », dans Nicole Racine et Michel Trebitsch (dir.), Sociabilités intellectuelles. Lieux, milieux, réseaux, Cahiers de l’IHTP, n° 20, mars 1992, p. 70-84.
– « Le front commun de la jeunesse intellectuelle. Le « Cahier de revendications » de décembre 1932 », dans Gilbert Merlio (dir.), Ni gauche, ni droite : les chassés-croisés idéologiques des intellectuels français et allemands dans l’entre-deux-guerres, Bordeaux, Editions de la MSH d’Aquitaine, 1995, p. 209-227.
– « Henri Lefebvre », dans Jacques Julliard et Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels, Paris, Seuil, 1996, p. 691-693.
– « Henri Lefebvre et la critique radicale », dans Séminaire de recherche « Les années 68 : événements, cultures politiques et modes de vie » (IHTP, 17 mars 1997), Lettre d’information, n° 23, juillet 1997, p. 1-23.
– « Voyages autour de la révolution. Les circulations de la pensée critique de 1956 à 1968 », in G. Dreyfus-Armand, R. Frank, M.-F. Lévy, M. Zancarini-Fournel, Les Années 68. Le temps de la contestation, Bruxelles, Complexe, 2000, p. 69-87.
– « Henri Lefebvre en regard de Michel de Certeau : Critique de la vie quotidienne », in Christian Delacroix, François Dosse, Patrick Garcia, Michel Trebitsch (dir.), Michel de Certeau, les chemins d’histoire, Bruxelles, Complexe, 2002, p. 141-157.
– « Henri Lefebvre et l’autogestion », in Frank Georgi (dir.), Autogestion. La dernière utopie ? (actes du colloque CHS, Paris 1, juin 2001), Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, p. 65-77.


Sites web sur Henri Lefebvre

Rob Shields :
http://www.carleton.ca/~rshields/lefebvre.htm

Lefebvre et l’urbain :
http://www.univ-tours.fr/editions/som27.htm

Sites situationnistes :
http://www.notbored.org
http://www.chez.com/debordiana/francais

Séminaire Georges Pérec :
http://www.associationperec.org/seminaire/200102/matthieuremy.html

Stuart Elden
http://www.anarchitektur.com/aa01-lefebvre/elden.html
http://home.clara.net/stuart.elden/ppg.htm

Andrew Merrifield :
http://www.rgs.org/trans/93184/93184006.pdf

– – – – – – – – – –
Accueil à partir de 18 heures 30

Début du cours à 19 heures 00

Lycée Joliot Curie salle 006
8 avenue des Goums (portail bleu près de la poterie Ravel)

Capture d’écran 2015-03-23 à 11.08.36

Une réflexion sur « 14 avril 2015
«Nationalisme vs nation»
Roland Le Bris »

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