mardi 07 avril
HISTOIRE DES «GAUCHES»
au XXème s. – Stéphane Rio

mardi 07 avril 2015

19 à 21 heures

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Histoire :

Stéphane Rio
Agrégé, professeur d’Histoire et de Géographie à Marseille

qui traitera le thème :
Histoire des « Gauches » au XXème s.

Les internationalismes et la question nationale.

L’apport de Jaurès

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Indication du plan :

Introduction : Patrie et prolétariat, tout part de K. Marx

I – Les positions de la Seconde Internationale socialiste sur l’internationalisme et la nation

II – Face à la menace de la guerre, le combat de Jaurès pour la paix.

Conclusion : Le patriotisme socialiste de Jaurès, une synthèse de l’Internationale pour lutter pour la paix

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Extraits de textes et discours :

1) Extraits du Manifeste du parti communiste de Karl Marx, Friedrich Engels, 1848 :

«En outre, on a accusé les communistes de vouloir abolir la patrie, la nationalité. Les prolétaires n’ont pas de patrie.

On ne peut leur prendre ce qu’ils n’ont pas. Du fait que le prolétariat doit commencer par conquérir le pouvoir politique, s’ériger en classe nationale, se constituer lui même en nation il reste lui même national, quoique nullement au sens bourgeois du terme. »

« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous »

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2) Position austro-marxiste lors du congrès de Bruno, en septembre 1899 :

 

« chaque nationalité vivant en Autriche – Hongrie, sans égard au territoire occupé par ses membres constitue un groupe autonome qui règle ses affaires nationales de langue et de culture (…). Les divisions territoriales sont purement administratives et ne doivent pas porter préjudice au statut national. Toutes les langues auront des droits égaux dans l’Etat. »

 

3) Extrait de « La question des nationalités et la social-démocratie », Otto Bauer, 1907 :

« Le principe de personnalité absolue cherche à constituer la nation non comme une corporation territoriale, mais uniquement comme une association de personnes. Les corporations nationales régies par le droit public ne seraient des corporations territoriales que dans la mesure où elles ne pourraient naturellement pas étendre leur ressort au-delà des frontières de l’Empire.

Mais à l’intérieur de l’État, le pouvoir ne serait pas attribué dans une région aux Allemands, dans une autre aux Tchèques : ce sont les nations, où qu’elles vivent, qui se regrouperaient en une corporation administrant ses affaires nationales en toute indépendance.

Dans la même ville, deux nations ou plus organiseraient très souvent côte à côte leur auto administration nationale sans se gêner les unes les autres, créeraient leurs établissements nationaux d’éducation – tout comme dans une ville où catholiques, protestants et juifs règlent eux-mêmes côte à côte leurs affaires religieuses en toute indépendance.

Le principe de personnalité suppose que la population soit divisée par nationalités. Mais ce n’est pas à l’État de décider qui doit passer pour allemand ou pour tchèque ; c’est plutôt à tout citoyen majeur que devrait être accordé le droit de décider lui-même à quelle nationalité il veut appartenir. A partir d’une libre déclaration de nationalité des citoyens majeurs serait établi un répertoire national qui devrait comporter l’index le plus complet possible des citoyens majeurs de chaque nationalité. »

 

4) Extrait du discours de J. Jaurès à la Chambre des députés, le 14 décembre 1905 :

«(…) L’indépendance de la nation et l’émancipation sociale sont inséparables. Il ne faut pas qu’il y ait d’équivoque : la classe ouvrière défendra l’idée de la patrie, mais elle ne sera pas dupe de ceux qui essaient d’exploiter l’idée de patrie elle-même dans un intérêt de classe ; elle essaiera dans un incessant effort de substituer à une patrie d’inégalité et de privilège une patrie de pleine égalité sociale qui s’harmonise par là avec les autres patries. »

5) Extrait de l’éditorial du premier numéro de l’Humanité, « Notre but », le 18 avril 1904

 

Le nom même de ce journal, en son ampleur, marque exactement ce que notre parti se propose. C’est, en effet, à la réalisation de l’humanité que travaillent tous les socialistes. L’humanité n’existe point encore ou elle existe à peine. À l’intérieur de chaque nation, elle est compromise et comme brisée par l’antagonisme des classes, par l’inévitable lutte de l’oligarchie capitaliste et du prolétariat. Seul le socialisme, en absorbant toutes les classes dans la propriété commune des moyens de travail, résoudra cet antagonisme et fera de chaque nation, enfin réconciliée avec elle-même, une parcelle d’humanité.

De nations à nations, c’est un régime barbare de défiance, de ruse, de haine, de violence qui prévaut encore.

Même quand elles semblent à l’état de paix, elles portent la trace des guerres d’hier, l’inquiétude des guerres de demain : et comment donner le beau nom d’humanité à ce chaos de nations hostiles et blessées, à cet amas de lambeaux sanglants ? Le sublime effort du prolétariat international, c’est de réconcilier tous les peuples par l’universelle justice sociale. Alors vraiment, mais seulement alors, il y aura une humanité réfléchissant à son unité supérieure dans la diversité vivante des nations amies et libres. Vers ce grand but d’humanité, c’est par des moyens d’humanité aussi que va le socialisme. À mesure que se développent chez les peuples et les individus la démocratie et la raison, l’histoire est dissipée de recourir à la violence. Que le suffrage universel s’affirme et s’éclaire ; qu’une vigoureuse éducation laïque ouvre les esprits aux idées nouvelles, et développe l’habitude de la réflexion ; que le prolétariat s’organise et se groupe selon la loi toujours plus équitable et plus large ; et la grande transformation sociale qui doit libérer les hommes de la propriété oligarchique, s’accomplira sans les violences qui, il y a cent dix ans, ensanglantèrent la Révolution démocratique et bourgeoise, et dont s’affligeait, en une admirable lettre, notre grand communiste Babeuf.

Cette nécessaire évolution sociale sera d’autant plus aisée que tous les socialistes, tous les prolétaires, seront plus étroitement unis.

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6) Extraits du discours de J. Jaurès de septembre 1907 (parle du congrès de l’Internationale de Stuttgart d’août 1907)

Qu’a dit, citoyens, qu’a proclamé le Congrès international de Stuttgart ? Il a proclamé deux choses : il a proclamé d’abord l’indépendance de toutes les nations, que la liberté de toutes les patries était inviolable et que partout les prolétaires devaient s’organiser pour défendre contre toute violence et toute agression l’indépendance nécessaire des nationalités, et, en même temps qu’il proclamait cette inviolabilité, cette intangibilité des nations, le Congrès international affirmait le devoir des prolétaires de tous les pays de s’organiser pour maintenir la paix. Maintenir la paix pour mettre précisément les nations à l’abri des surprises et des coups de force, maintenir la paix pour empêcher les diversions sanglantes des despotes et des privilégiés… maintenir la paix pour sauver le prolétariat universel de l’horrible épreuve et de l’horrible crime d’une guerre mettant aux prises les frères de travail et de misère du monde entier.

Le Congrès international a donc proclamé deux vérités indivisibles, deux vérités indissolubles : la première, c’est que les nations autonomes avaient le droit et le devoir de maintenir énergiquement leur autonomie ; la seconde, c’est que pour empêcher les chocs funestes, pour empêcher les rencontres sanglantes où saigneraient, plus que les veines, la conscience du prolétariat, le devoir des travailleurs était d’empêcher les guerres, et non pas, vous m’entendez bien, par de simples malédictions de paroles, non pas par des gémissements stériles, non pas par des anathèmes impuissants : l’Internationale a dit aux prolétaires qu’ils n’avaient pas le droit, qu’ayant grandi, ils n’avaient pas le droit d’assister, gémissants et inertes, aux guets-apens des despotes et des capitalistes contre la paix, mais qu’ils devaient, par toute l’énergie de leur action – action parlementaire ou action révolutionnaire – écraser dans leur germe les guerres funestes.

(…)

Oui, il est impossible aux prolétaires de se désintéresser de l’indépendance des nations dans l’état présent du monde. L’unité humaine se réaliserait dans la servitude si elle résultait de l’absorption de toutes les nations vaincues par une nation dominatrice ; l’unité humaine ne peut se créer dans la liberté que par la fédération des nations autonomes.

(…)

Oh ! sans doute, la résolution de Stuttgart rappelle que la guerre est de l’essence du capitalisme et que la racine de la guerre ne sera arrachée que lorsque le capitalisme lui-même aura été déraciné. Oui, c’est la vérité socialiste. Oui, dans le monde capitaliste, il y a guerre permanente, éternelle, universelle, c’est la guerre de tous contre tous, des individus contre les individus dans une classe, des classes contre les classes dans une nation, des nations contre les nations, des races contre les races dans l’humanité. Le capitalisme, c’est le désordre, c’est la haine, c’est la convoitise sans frein, c’est la ruée d’un troupeau qui se précipite vers le profit et qui piétine des multitudes pour y parvenir.

Oui, le capitalisme et la guerre sont liés, mais l’Internationale ne veut pas que nous attendions passivement, endormis à moitié sur un oreiller doctrinal, la chute du capitalisme pour combattre la guerre. Et la résolution de Stuttgart, après avoir dit que la guerre étant de l’essence du capitalisme, ne périra substantiellement qu’avec le capitalisme même, ajoute […] «Ou lorsque le fardeau en hommes et en argent que la guerre impose aux peuples leur aura paru si écrasant que les peuples secoueront ce fardeau.» Ainsi, si vous le voulez, ouvriers et prolétaires de tous les pays, si vous avez conscience et de votre devoir et de votre force, si vous savez être unis, si, aux crises décisives de l’histoire, vous savez jeter dans les événements l’héroïsme par lequel vos pères ont conquis les premières libertés, — alors, même aujourd’hui, même dans le monde du capital et du désordre, même dans le monde des rois, des empereurs, des états-majors et des grands bourgeois, vous pouvez empêcher la guerre.

 

 

7) Extraits de L’armée nouvelle, Jean Jaurès, 1911

 

Quand on dit que la révolution sociale et internationale supprime les patries, que veut-on dire ? Prétend-on que la transformation d’une société doit s’accomplir de dehors et par une violence extérieure? Ce serait la négation de toute la pensée socialiste, qui affirme qu’une société nouvelle ne peut surgir que si les éléments en ont été déjà préparés dans la société présente. Dès lors, l’action révolutionnaire, internationale, universelle, portera nécessairement la marque de toutes les réalités nationales. Elle aura à combattre dans chaque pays

des difficultés particulières, elle aura en chaque pays, pour combattre ces difficultés, des ressources particulières, les forces propres de l’histoire nationale, du génie national. L’heure est passée où les utopistes considéraient le communisme comme une plante artificielle qu’on pouvait faire fleurir à volonté, sous un climat choisi par un chef de secte. Il n’y a plus d’Icaries. Le socialisme ne se sépare plus de la vie, il ne se sépare plus de la nation. Il ne déserte pas la patrie; il se sert de la patrie elle-même pour la transformer et pour l’agrandir. L’internationalisme abstrait et anarchisant qui ferait fi des conditions de lutte, d’action, d’évolution de chaque groupement historique ne serait qu’une Icarie, plus factice encore que l’autre et plus démodée.

(…)

Il n’y a que trois manières d’échapper à la patrie, à la loi des patries. Ou bien il faut dissoudre chaque groupement historique en groupements minuscules, sans lien entre eux, sans ressouvenir et sans idée d’unité. Ce serait une réaction inepte et impossible, à laquelle, d’ailleurs, aucun révolutionnaire n’a songé (…).

Ou bien il faut réaliser l’unité humaine par la subordination de toutes les patries à une seule. Ce serait un césarisme monstrueux, un impérialisme effroyable et oppresseur dont le rêve même ne peut pas effleurer l’esprit moderne.(…)

Ce n’est donc que par la libre fédération de nations autonomes répudiant les entreprises de la force et se soumettant à des règles de droit, que peut être réalisée l’unité humaine. Mais alors ce n’est pas la suppression des patries, c’en est l’ennoblissement. Elles sont élevées à l’humanité sans rien perdre de leur indépendance, de leur originalité, de la liberté de leur génie. Quand un syndicaliste révolutionnaire s’écrie au récent congrès de Toulouse : A bas les patries! Vive la patrie universelle! il n’appelle pas de ses vœux la disparition, l’extinction des patries dans une médiocrité immense, où les caractères et les esprits perdraient leur relief et leur couleur. Encore moins appelle-t-il de ses vœux l’absorption des patries dans une énorme servitude, la domestication de toutes les patries par la patrie la plus brutale, et l’unification humaine par l’unité d’un militarisme colossal. En criant : A bas les patries ! il crie : A bas l’égoïsme et l’antagonisme des patries ! A bas les préjugés chauvins et les haines aveugles ! A bas les guerres fratricides ! A bas les patries d’oppression et de destruction ! Il appelle à plein cœur l’universelle patrie des travailleurs libres, des nations indépendantes et amies.

>Discours de Jaurès 3 jours avant son assassinat

8) Discours de Léon Jouhaud lors des obsèques de J. Jaurès, 4 août 1914

« Jaurès a été notre réconfort dans notre action passionnée pour la paix. Ce n’est pas sa faute, ni la nôtre, si la paix n’a pas triomphé. Avant d’aller vers le grand massacre, au nom des travailleurs qui sont partis, au nom de ceux qui vont partir, dont je suis, je crie devant ce cercueil toute notre haine de l’impérialisme et du militarisme sauvage qui déchaînent l’horrible crime.

Cette guerre, nous ne l’avons pas voulue, ceux qui l’ont déchaînée, despotes aux visées sanguinaires, aux rêves d’hégémonie criminelle, devront en payer le châtiment.

Acculés à la lutte, nous nous levons pour repousser l’envahisseur, pour sauvegarder le patrimoine de la civilisation et d’idéologie généreuse que nous a légué l’histoire. Nous ne voulons pas que sombrent les quelques libertés si péniblement arrachées aux forces mauvaises. Notre volonté fut toujours d’agrandir les droits populaires, d’élargir le champ des libertés. C’est en harmonie avec cette volonté que nous répondons  » présent  » à l’ordre de mobilisation. »

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Jean Jaurès – Henri Guillemin

JEAN JAURES Discours de Castres 1904

Discours Jaurès de séparation de l’église et de l’état

Bibliographie indicative :

Ouvrages généraux sur l’histoire des gauches et du mouvement ouvrier :

J.J. Becker et G. Candar (dir.), Histoire des gauches en France, Paris, La Découverte, 2002

J. Droz (dir.), Histoire générale du socialisme, Paris, PUF, 1974

Ouvrages sur Jean Jaurès :

M. Rebérioux, Jaurès. La parole et l’acte, Paris, Gallimard « Découverte », 1994

J.P. Rioux, Jean Jaurès, Paris, Perrin, 2005

J.P. Scot, Jaurès et le réformisme révolutionnaire, Paris, Seuil, 2014

Textes de Jean Jaurès :

G. Candar et M. Rebérioux (dir.), Œuvres de Jean Jaurès, Paris, Fayard (18 tomes prévus, 5 parus)

J.P. Rioux, Jaurès. Rallumer les étoiles, Paris, Omnibus, 2005

site internet : www.jaures.eu

03_Panneau PorteStéphane Rio a déjà participé au Repaire d’Aubagne le jeudi 18 décembre 2014 sur le thème « La laïcité et l’école ».

Accueil à partir de 18 heures 30
Début du cours à 19 heures 00

Lycée Joliot Curie salle 006
8 avenue des Goums (portail bleu près de la poterie Ravel)

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