10/01/17
Le Capital du 21ème siècle de Thomas Piketty 2/3
Economie – Bernard Tabuteau

Document de présentation proposé par Bernard Tabuteau

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PIKETTY UPPAE

LE CAPITAL DU XXIe SIECLE

« Livre le plus important de la décennie » (Krugman), traduit en 40 langues

Piketty replace son analyse du capital au 21ème siècle dans une histoire générale du patrimoine et des inégalités depuis le début 18ème siècle.

Il montre que le Capital a eu tendance tout au long de son histoire à produire des niveaux d’inégalité croissants parce que le rendement du Capital (r) excède le taux de croissance du Revenu national (g). C’est la contradiction centrale du Capital.

La richesse par le patrimoine s’accroît par les revenus qu’il génère à un rythme supérieur à celui des revenus salariaux. C’est la cause principale de l’importance du patrimoine / aux revenus.

Note technique

Le capital ou patrimoine, K : actifs financiers et non financiers

Le Revenu National, RN : somme des revenus du travail et ds revenus du capital

PIB + revenus issus d’agents économiques à l’étranger – revenus versés à agents à l’étranger = RN

Enorme travail de reconstitution de séries de K et de RN

Analyses de Piketty complétées par des éléments du contexte économico-social propres à chaque période

Cas de la France avec quelques références aux EU

Section 1 : le patrimoine-roi, situation prédominante en régime capitaliste

Sur très long terme (depuis 1700) le patrimoine total est en moyenne égal à 5 fois le RN (K/RN=5)

Ce rapport varie au cours du temps, d’où plusieurs périodes historiques

Prédominance de K/RN expliquée par Piketty à travers 3 analyses convergentes

§1. Les témoignages littéraires

« Le père Goriot » : les revenus de l’activité d’entrepreneur sont épargnés et donnent naissance au capital + l’accumulation du capital est sources de revenus bien supérieurs à ceux de l’activité

« Du côté de chez Swann » : les rentes d’Etat constituent la composante majeure de la fortune des classes supérieures

§2. Le taux de rendement du capital supérieur à celui du revenu national

r = RK/K g = RN(n) – RN(n-1) / RN

Depuis 1700, en dehors de la période des « 30 Glorieuses », r a oscillé entre 3-6% / an….g a toujours été inférieur à 3%

r > g pousse à la hausse du rapport K/RN

r > g accroît la part des revenus du capital dans le RN au détriment de la part restante, celle des salaires. Cette situation est une « force de divergence » dans la répartition des richesses entre les ménages

§3. La courbe K/RN depuis 1700 à l’avantage de K (graphe 3.2)

La courbe K/RN en forme de U dans tous les pays développés de l’ouest, notamment France et RU

Son examen fait apparaître une prédominance des périodes où K/RN > 5 : jq 1910 et de 2000 à 2010

Section 2 : les fluctuations des situations patrimoniales depuis 1700

La dynamique de K peut être bouleversée par une série d’événements : chocs extérieurs (guerres), évolutions du système économique, bouleversements sociaux, etc…

Donc : l’évolution de K/RN ne peut se réduire à la seule référence à la loi générale r > g … d’où la courbe en forme de U et non une droite croissante

§1. Le haut niveau de départ de K/RN en Europe au 18ème siècle

K/RN = 7 pour les courbes européennes entre 1700 et 1910

Avant le 19ème siècle la rente financière = 4-5% et g < 1% : l’agriculture reste prédominante, les terres représentent une part très importante de la richesse mais décroissante avec le développement du capitalisme commercial puis industriel (fin 18ème au RU, milieu 19ème en France) et les exportations de capitaux (colonies, pays émergents).

19ème : durant cette période r (supérieur à 3%) est nettement supérieur à g (croissance entre 1 et 1,5%), donc K/RN reste à un niveau élevé.

Le niveau élevé de K/RN en Europe correspond aussi à une prédominance de l’héritage sur le travail : en 1860 la part des revenus du capital dans le revenu national est à un niveau qui ne sera jamais plus atteint (supérieur à 40%)

§2. Le choc des guerres, l’après guerre 1914, la crise de 1929 et la chute de K

Entre 1910 et 1950, la chute de K est continue :

.période des 2 guerres et immédiat après guerres : destruction physique de capital + inflation forte (anéantissement de la valeur réelle de l’épargne financière) + poursuite baisse de la valeur des terres

.repli national suite 1ère guerre, crise mondiale de 1929, politiques autarciques en Allemagne et Italie : succession de dévaluations, restriction des échanges, chutes de production….pèsent sur r et g (même si r demeure supérieur à g) = freins à la remontée de K

§3. La persistance d’un capital de niveau « faible » mais croissant au cours des « 30 Glorieuses »

Elévation lente entre 1950 et 1975 mai K/RN < 4 en 1975

Facteurs favorables à la remontée de K : fin de l’inflation à 2 chiffres + accession à la propriété du logement pour un nombre croissant de ménages

Elévation lente de K car faible écart entre r et g (voire souvent écart < 0) : g atteint de niveaux exceptionnels, r plutôt dans la branche basse de la fourchette historique (entre 3 et 6%) :

.forte croissance de g : diffusion rapide du mode de vie US (consommation de masse) favorisé par politique de crédit + hausse des salaires + forte croissance de l’investissement public,

.progression modérée de r : profits réinvestis, encadrement du crédit

§4. Le retour du capital dans les années 1980

K/RN > 5 dans les années 2000

Affaiblissement de g (fin diffusion consommation de masse) + r tend à s’élever par différenciation de r (épargne classique / placements financiers) :

.révolution néo-libérale des années 1980,

.triomphe de la mondialisation financière,

.rapport de forces devient défavorable aux salariés (chômage de masse, délocalisations, ….)

§5. Affinement de l’analyse : l’insuffisance de la comparaison entre r et g

Evolutions r, g n’expliquent pas intégralement la courbe K/RN :

.alors que r > g sur période 1810-1910, K/RN reste à un niveau élevé mais n’augmente pas : on assiste au cours de cette période à un transfert progressif du capital de la terre vers l’industrie et le commerce qui fait chuter la valeur des terres agricoles ;

.l’écart positif entre r et g est insuffisant pour comprendre l’évolution de K/RN entre 1910 et 1950. Entre 1910-1920 ce sont principalement les destructions de capital et la forte inflation qui expliquent la chute de K.

Entre 1920 et 1950, r reste supérieur à g (g est faible) ce qui pousse à la hausse de K mais si le capital industriel s’élève il ne fait que compenser la chute de valeur du capital immobilier et de la terre ;

.pendant les « 30 Glorieuses » (1950-75), K/RN n’augmente que faiblement car r n’est pas toujours > g mais ce qui et remarquable au cours de cette période c’est la forte augmentation du capital « logements » (accession à la propriété d’un nombre croissant de ménages)

Section 3 : les spécificités des inégalités aux 19ème et 20ème siècle

§1. L’évolution des inégalités de revenus en France depuis un siècle : d’une société de rentiers à une société de cadres

Entre la Belle Epoque et l’époque contemporaine (années 2000) la France a connu une réduction des inégalités de revenus (avant impôts et transferts) : la part du décile supérieur des revenus dans le revenu national est supérieure à 45% avant 1914 contre 30-35% aujourd’hui (graphe 8.1)

Passage d’une société de rentiers à une société de cadres : avant 1914 les revenus du capital étaient majoritaires dans le centile supérieur …. au début du 21ème siècle ce sont les revenus salariaux (graphe 8.2, écart entre les 2 courbes)

Pour Piketty la réduction des inégalités est liée à la chute de K et donc de K/RN de 7 en 1910 à moins de 4 en 1970 (choc des guerres, des crises, inflation…) et aux politiques économiques conduites après la deuxième guerre

L’entre deux guerres : divergence entre les évolutions du décile supérieur et du centile supérieur (8.1 et 8.2) : la part du premier ne baisse que dans la décennie 1935-45 alors que celle du second baisse sur toute la période.

Les divergences s’expliquent par la composition différente des revenus de ces 2 catégories : part plus élevée des revenus du capital dans le centile, or dans cette période K chute fortement

La période 45-65 : hausse des inégalités salaires et revenus (principalement loyers)

La période 1965-83 : les inégalités salariales, et encore plus de revenus, se réduisent nettement :

.mouvement de mai 1968 se traduit par une hausse du SMIC de 20%, son indexation sur les salaires moyens, des coups de pouces réguliers dans un contexte de rapport de forces favorable aux salariés ; même sens en 1981-83 ;

.reprise d’une forte inflation (hausse du prix du pétrole, indexation…), maintien d’une fiscalité progressive pèsent sur salaires et revenus mais spécialement sur ces derniers et donc sur la hausse des revenus non salariaux.

La période débutant dans les années 1980 : période marquée par la révolution néo-libérale, la mondialisation financière, la libération des mouvements de capitaux, un compromis social devenant défavorable aux salariés.

Les inégalités de salaires et de revenus recommencent à croître au bénéfice du haut encadrement et des détenteurs de capital important.

La part des revenus du capital dans le RN est à la hausse : 20% en 1980, 30% en 2010

De nouveaux modes de rémunération apparaissent, surtout à compter des années 1990, pour le haut encadrement : bonus, primes, octroi d’actions…une forme d’alliance se noue entre le haut encadrement et les actionnaires.

La reprise des inégalités est toutefois moins nette qu’aux EU.

§2. Aux EU forte augmentation des inégalités à compter de la fin des années 1970, montée des super-salaires

Les inégalités de revenus décroissent fortement entre 1910-1929 et1970 : le décile supérieur reçoit 40% du RN en 1910, 50% avant la crise de 1929 et 30-35% en 1970 (8.5)

La chute du capital sur la période (due ici à la crise plutôt qu’aux guerres) et les politiques conduites (New Deal, Etat-Providence) permettent de l’expliquer.

A/c de la fin des années 1970 nouvel accroissement des inégalités : la part du décile supérieur dans le RN passe de 30-35% dans les 70′ à 40-45% en 2010.

L’essentiel de cette forte hausse provient du centile supérieur : le supercadre également actionnaire est un des personnages types de cette période.

De plus, le salaire minimum fédéral est nettement < SMIC

§3. La montée d’une classe moyenne patrimoniale

Le centile supérieur détient en France entre 20-30% du patrimoine en 2010 contre 60% en 1910 (10.1) ; pour le décile supérieur, respectivement 60 et 90%

Entre le décile supérieur et les 50% les plus pauvres (5% du patrimoine) émerge une classe moyenne patrimoniale, 35% du capital en 2010 :

.les destructions de K suite aux guerres et à l’inflation affectent le décile supérieur,

.les politiques conduites pendant les 30 Glorieuses : faible écart entre r et g, forte progressivité fiscale, indexation et hausse des salaires, encadrement et orientation du crédit…

§4. Reprise de la concentration du patrimoine depuis 1990

Dans tous les pays, davantage aux EU (10.5 et 10.1) une tendance à la reprise de la concentration du patrimoine s’affirme a/c des 1980′ : l’écart croissant entre r et g la favorise ainsi que le fort recul de la progressivité des impôts sur les revenus et les successions.

Si l’écart entre r et g se maintient cette tendance s’accentuera en l’absence de politiques correctrices

Section 4 : Réguler le capitalisme du 21ème siècle

Jq quel point l’inégalité des fortunes est-elle acceptable ? La société méritocratique moderne, notamment au EU n’est-elle pas trop dure pour les perdants ?….

Piketty revient sur la construction historique de « l’Etat social » et exprime qqs propositions

Dans la période historique 1930-1950, aux Eu puis en Europe occidentale, dans un contexte politique et géopolitique très particulier, l’Etat va progressivement prendre en charge un certain nombre de missions sociales (éducation, santé, retraites…), mettre en œuvre une réforme profonde de la fiscalité (forte progressivité sur les revenus et les successions), instaurer de cotisations sociales…

Il convient aujourd’hui, dans un contexte de concurrence mondialisée, de s’interroger :

.sur les meilleurs moyens d’assurer ces missions sociales (par exemple des partenariats Etat-Fondations ou Associations),

.sur les limites des inégalités de revenus afin de permettre la méritocratie républicaine.

Dans ce contexte et tenant compte des expériences historiques il avance qqs propositions visant à une réforme fiscale mondiale :

.développer les travaux d’études et de recherche sur les inégalités,

.progressivité de l’IRPP : Piketty juge optimal la taxation de la dernière tranche à 80%,

.progressivité du taux d’imposition du patrimoine,

.l’imposition du capital ne pourra être efficace que si elle s’effectue à taux uniformes à l’échelle mondiale (dans un premier temps UE)

Exemple : impossible de taxer les armateurs grecs en l’absence de coopération internationale

Exemple : le mécanisme de résolution des crises financières de l’UE prévoit une mise à contribution prioritaire des actionnaires

Atkinson, élève et collègue de Piketty, élargit les propositions, réhabilitant le rôle de la puissance publique :

.assigner à l’Etat un objectif cible en matière de chômage supposant une offre garantie d’emplois publics,

.promouvoir une politique nationale de rémunérations avec un salaire minimum suffisant,

.créer une autorité d’investissement public gérant un fonds souverain,

.rendre l’impôt (revenus et successions) nettement plus progressif…dont une partie serait employée à financer un « héritage minimum » à l’âge de 18 ans,

.donner aux salariés un pouvoir accrû au sein de entreprises notamment sur l’organisation du travail et l’emploi, etc, etc…

Section 5 : Piketty et Marx

Proximité des titres des ouvrages : Le capital du 21ème siècle (2013) / Le Capital (volume 1, 1867)

Piketty travaille à l’intérieur du système capitaliste dans toute son évolution historique depuis 1700 et dégage une loi fondamentale de son fonctionnement, au delà de ses différentes formes historiques.

La tendance inéluctable sur le long terme à la reproduction des inégalités dans la distribution des richesses quelles que soient les configurations historiques et quels que soient les territoires de développement du capitalisme

Marx cherche moins à prouver des inégalités économiques qu’à en découvrir les racines au sein du processus de production capitaliste :

.la situation de dépendance (aliénation) du salarié / propriétaire des moyens de production le contraint à vendre sa force de travail pour subsister,

.le capitaliste cherche à en minorer le coût pour optimiser son profit, dans un contexte de concurrence, mais ne peut s’en passer car seul le travail crée la richesse

Des analyses différentes se situent dans des perspectives différentes

La recherche de Piketty est guidée par une interrogation morale -jq quel degré les inégalités sont-elles acceptables- et éthique, comment donner sens à la méritocratie. Il recherche un « capitalisme à visage humain » :

.action des Etats,

.coopération des Etats à l’échelle mondiale allant jq parler de gouvernement mondial,

.à ceux qui crient à l’utopie Piketty fait remarquer que l’idée d’un impôt sur les revenus a longtemps été rejetée

Pour Marx non seulement les inégalités mais la dépendance du dominé sont inhérentes au fonctionnement du capitalisme :

.la disparition des inégalités est subordonnée à l’avènement d’une société supérieure,

.ses analyses sont toujours resituées dans une longue perspective historique, les conflits de classes sont, pour lui, le moteur de l’Histoire

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