Archives de catégorie : Philosophie

La philosophie, du grec ancien φιλοσοφία (composé de φιλεῖν, philein : « aimer » ; et de σοφία, sophia : « sagesse »)1, signifie littéralement : « l’amour de la sagesse ». C’est une activité et une discipline existant depuis l’Antiquité en Occident et en Orient, se présentant comme un questionnement, une interprétation et une réflexion sur le monde et l’existence humaine. Différents buts peuvent lui être attribués : la recherche de la vérité ; la méditation sur le bien, le beau, le juste ; la quête du sens de la vie et du bonheur.

Au sens aristotélicien et médiéval, la philosophie est une science, la science des premiers principes et des premières causes.
Au sens moderne et pour une bonne partie des philosophes contemporains, la philosophie n’est pas un savoir, ni un ensemble de connaissances, mais une démarche de réflexion sur les savoirs disponibles.

Ancrée dès ses origines dans le dialogue et le débat d’idées, elle peut se concevoir comme une activité d’analyse, de définition, de création ou de méditation sur des concepts.

22/01/24 – Société des Architectes – 130 av du Prado
SORTIR DU CAPITALOCÈNE : DÉFI OU UTOPIE ?
Gabrielle SCARABINO – Philosophie

Sortir du capitalocène : défi ou utopie ?
Si les indécentes concentrations de richesses et les inégalités économiques grandissantes ne semblent pas suffire, malgré l’ampleur croissante des luttes et résistances, à pousser le capitalisme vers la sortie, la catastrophe écologique en cours nous met au défi de penser le « capitalocène » et d’enrayer sa progression destructrice de vie. Le combat pour la possibilité d’un avenir conditionne et reconfigure tous les autres. Car, pour instaurer une justice, des solidarités et une égale liberté, ne faut-il pas être vivant ? Le défi est immense. Oser des imaginaires utopiques pourrait être le terreau qui, au lieu de nous mettre face à de nécessaires restrictions et douloureux renoncements, ouvrirait et explorerait de multiples possibles désirables. Les intentions utopiques susceptibles d’éveiller nos puissances d’agir ensemble, impliquent d’interroger le problématique besoin d’Etat, de penser la crise actuelle de la sensibilité et de sonder les interdépendances du vivant. Plutôt que de se rabougrir en stériles colère contre d’improbables boucs-émissaires, ne semble-t-il pas autrement plus riche et stimulant d’envisager la possibilité d’autre mondes et êtres-au-monde vivifiants ?

Gabrielle Scarabino, professeure de philosophie, membre du collectif les Philosophes publics.

08-01-24 – Société des Architectes – 130 av du Prado
À PROPOS DE QUELQUES HÉTÉROTOPIES MARSEILLAISES
Monique PILLANT & Marc ROSMINI – Philosophie

Au cœur de Marseille des hétérotopies littéralement des « lieux autres » fabriqués par des collectifs qui remettent en jeu les places des unes et des autres inventent des règles sociales explorent concrètement d’autres relations en un mot creusent dans la ville un autre espace social. En compagnie de représentant.es de collectifs et associations les philosophes-publicques vous invitent le temps d’une soirée à un déplacement vers trois hétérotopies pour questionner le sens et la portée de ces espaces concrets d’expérimentation de vie alternative.

Avec la participation de l’ECOLLECTIF, des Jardins de Julien, de l’Après M et des philosophes-publicques.

Samedi 02/09/23 à 14H30 – Maison des Architectes – 130 av. du Prado
KHAOS, la promesse trahie de la modernité
Raphaël LIOGIER – Philosophie

Raphaël LIOGIER présentera son nouveau livre : KHAOS, la promesse trahie de la modernité

Voici un livre profondément original qui fera sans doute date. Raphaël Liogier y démontre que ce n’est pas tant la modernité, que d’aucuns n’ont de cesse de décrier, qui est la cause de nos divers effondrements (environnementaux, sociaux, psychiques ou civilisationnels) mais la trahison de sa promesse initiale.

La modernité qui nous exhorte au XVIIIe siècle à nous affranchir de toutes les tutelles est une promesse si radicale, une ouverture si immense, si difficile à supporter qu’elle a été immédiatement trahie et dégradée. Notre incapacité à l’habiter nous a conduit à lui donner des formes de plus en plus dégradées et destructrices : le positivisme, le néolibéralisme, le corrélationisme, l’illibéralisme, le populisme et le totalitarisme. Quelle est la nature de cette promesse initiale ? Pourquoi, par qui, et dans quelles conditions cette promesse a-t-elle été trahie et détournée ? En quoi et pourquoi cette promesse pourrait-elle encore être tenue ? Et surtout en quoi et pourquoi il est plus urgent que jamais de tenir enfin cette promesse?

http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Khaos-9791020920935-1-1-0-1.html

Raphaël LIOGIER est sociologue et philosophe.
Professeur des universités à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence
il a dirigé l'Observatoire du religieux de 2006 à 2014. 
Diplômé en philosophie de l'université d'Edimbourg
il enseigne également au Collège international de philosophie (CIPH).
Il est aussi chercheur associé au laboratoire Sophiapol à l’Université de Paris 10 Nanterre.

05/06/23 – Mairie 1&7 – 61 La Canebière
EST-ON LIBRE DE CROIRE CE QUE L’ON VEUT ?
Denis CAROTI – Philosophie

Pouvez-vous décider de croire ce que vous voulez ? Par exemple de croire que le soleil est une planète, que les trains volent ou que les chats aboient ? Sans doute pas, car il faut sans doute faire la différence entre croire et vouloir croire, mais également entre bonnes et mauvaises raisons de croire. Mais comment faire le tri dans ces raisons qui nous poussent à croire ? Ne sommes-nous pas sensibles à certaines formes de manipulation ou de biais qui nous amènent à croire de manière erronée ? Pouvons-nous être encore responsable de ce que l’on croit si l’on est manipulé, trompé ou juste incapable de discerner le vrai du faux ? A quel niveau se situe donc notre liberté de croire ou pas ? Dans cette conférence, on tentera de répondre à ces questions et de faire le lien entre croyance, liberté et cette pensée critique censée nous permettre de nous conduire vers l’autonomie intellectuelle.

Denis Caroti, Docteur en épistémologie, enseignant, formateur académique et chercheur associé au Centre Gilles Gaston Granger d’Aix-Marseille Université sur la thématique de la pensée critique.

20/05/23 – BMVR L’ALCAZAR – 58 cours Belsunce
LA FRATERNITÉ SELON LÉVINAS
Yves Pillant – Philosophie

La fraternité selon Lévinas ou l’impossibilité d’exclure
Pourquoi parle-t-on aussi rarement de la fraternité alors que l’article premier des Droits de l’Homme l’affirme : « Tous les êtres humains doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. » Sommes-nous en panne ? Serait-elle une valeur parmi d’autres ? Ou peut-être reste-t-elle réfractaire à toute explication ou justification ? Mais alors, de quoi s’agit-il ?
Pour Levinas la fraternité n’est pas thématisable ; elle n’opère qu’à la vivre. C’est donc un chemin qui ne peut trouver aucune assurance conceptuelle ; il reste juste à l’emprunter puisque ça n’est qu’à relationner que cette fraternité atteint ce qui nous fait et construit notre sensibilité de l’autre.

Yves PILLANT
Docteur en Philosophie
École doctorale : Cognition, Langage, Éducation
Unité de recherche : Institut d’Histoire de la Philosophie.
Thèse : Une politique de la vulnérabilité est-elle « pensable » ?
Responsable du laboratoire de recherche en travail social
IMFRIS (Institut Méditerranéen de Formation, Recherche et Intervention Sociale)

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24/04/23 – Mairie 1&7 – 61 La Canebière
ÉCOLOGIE ET DÉMOCRATIE
Denis de Casabianca, Luisa Marques dos Santos, Benoît Baubry – Philosophie

On entend souvent ce nouveau lieu commun qui consiste à dire que l’urgence écologique est telle que seule une dictature pourrait y répondre, mais est-ce si certain ?
Les enjeux écologiques ne sont ils pas plutôt devenus les révélateurs incandescents d’un manque de démocratie réelle ?
Les événements qui se sont déroulés fin mars 2023, lors de la manifestation contre la construction d’une méga-bassine à Sainte Soline, d’une violence à laquelle nous n’étions pas habitués dans un État de droit nous interrogent forcément sur les conséquences politiques et sociales de la crise écologique.
Venez en débattre, car c’est par le débat que l’on pourra justement faire vivre démocratiquement cet enjeu qui touche à la survie de l’humanité. 

Conférenciers :
Benoît Baubry
Citoyen tiré au sort, membre de la convention citoyenne pour le climat
Denis de Casabianca
Luisa Marques dos Santos
Professeurs de philosophie
Membres du collectif Les Philosophes publics

27/03/23 –Maison des Architectes – 130 av. du Prado
FIGURES DE L’ÉMANCIPATION
Augustin GIOVANNONI – Philosophie

Figures de l’émancipation

Introduire la notion d’émancipation s’avère utile pour aborder le combat politique, les solidarités, les inventions collectives et pour penser les ruptures historiques et les révolutions1, le rapport à soi et aux autres. On en retrouve la figure dans de nombreuses conceptualisations contemporaines : le devenir révolutionnaire (Gilles Deleuze), le soulèvement (Michel Foucault), l’insurrection (Miguel Abensour), la capacité collective (Jacques Rancière), le nom communiste (Alain Badiou), l’idée d’hégémonie (Gramsci, reprise notamment par Ernesto Laclau et Chantal Mouffe, les travaux post-coloniaux), l’émancipation identifiée au processus lui-même (Antonio Negri), se singulariser sur un mode politique, en se soustrayant aux identifications sociales pour laisser paraître qui je suis en ces circonstances-là (Etienne Tassin), etc. Il s’agit dans tous les cas, de sortir du malheur et de la mélancolie.

1Jacques Rancière, Op. cit., p. 212.

Augustin GIOVANNONI : Agrégé et docteur en philosophie

BIBLIOGRAPHIE

Immanence et finitude chez Spinoza, Kimé, 1999.

Les épreuves de l’exil, Kimé, 2016.

Pour une politique hors-sol, sous la direction d’Augustin Giovannoni et Alexis Nouss, Kimé, 2017.

Les figures de l’homme trompé, PUF, 2011.

Figures de la duperie de soi, sous la direction d’Augustin Giovannoni, Kimé, 2001.

Désir et mélancolie, Art Fiction, 2002.

13/03/23 – Maison des Architectes 130 av. du Prado
Travail, liberté, utopie, au prisme de l’éducation
Mariagrazia CAIRO – Philosophie

Travail, liberté, utopie au prisme de l’éducation
Dans le domaine de l’éducation deux grandes polarités semblent se dégager : l’autonomie du sujet apprenant et la transmission d’une culture par un maître, un parent, une institution. Les relations pédagogiques qui s’en suivent s’organisent dans un rapport de travail et sur la base de normes et valeurs personnelles, professionnelles, sociétales. La liberté prend alors des formes différentes, voire opposées, entre exercice de son propre arbitre et assujettissement plus ou moins consenti. Ces tensions sont particulièrement visibles dans les expériences utopiques de l’histoire des sociétés occidentales. Dans quelles mesure ces héritages prônant à la fois la construction d’un sujet libre et la transmission d’une culture se retrouvent-ils aujourd’hui dans les espaces scolaires et éducatifs ? Quelles sont les marges de manœuvre des enseignants, des éducateurs et des apprenants dans des dispositifs plus au moins contraints ?
Mariagrazia Cairo est maître de conférences en philosophie à Aix-Marseille Université, membre du centre Gilles Gaston Granger et de l’Institut supérieur du professorat et de l’éducation (INSPÉ).

13/02/23 – 130 av du Prado
LA LIBERTÉ
Bernard LAMIZET – Philosophie

1. Le mot « liberté » « Liberté » vient du latin liber et du grec eleutheros : la libération du lien. La liberté désigne, ainsi, la résistance à la domination du lien Les hommes libres sont ceux qui ne sont pas soumis à une contrainte.

2.. La liberté de la médiation : liberté singulière et libertés collectives. La liberté singulière est celle du sujet : le sujet est sujet pour l’autre. Les libertés collectives sont les libertés de l’adhésion et de l’appartenance. La liberté désigne la médiation de l’identité

3.. La liberté d’être soi. La liberté du sujet dans l’expression de son identité singulière. La liberté et l’expression du psychisme. La liberté et le miroir

4.. La liberté d’expression. La liberté et l’absence de censure. La liberté de la parole et du langage. Liberté et normes de la langue

5.. La liberté des choix politiques. Liberté et indépendance : la possibilité de faire des choix sans dépendre des autre. La loi et la liberté. La liberté et la représentation

6.. Liberté et aliénation. L’aliénation et le lien social. L’aliénation et la liberté : les deux faces de la médiation politique. La liberté et la folie

7.. Les limites de la liberté. La liberté et les impératifs de la vie sociale. La liberté et la subjectivité. La liberté des acteurs politiques

Bernard. Lamizet . Professeur de Sciences de l’information et de la communication à l’Institut d’études politiques de. Lyon

06/02/23 – 130 av du Prado
L’évolution de l’homme : libertés ou contraintes ?
Michel GUÉRIN – Philosophie

L’évolution de l’homme : libertés ou contraintes ?
La réflexion proposée s’appuie sur l’œuvre du préhistorien et paléontologue André Leroi-Gourhan (1911-1986), telle que Michel Guérin, en philosophe, s’efforce d’en restituer le sens dans son livre André Leroi-Gourhan – L’évolution ou la liberté contrainte (Hermann, 2019).
L’évolution humaine opérerait par « libérations » d’un potentiel inscrit dans la physiologie et destiné à se développer à l’extérieur du corps humain (par exemple, l’outil technique prolonge l’organe naturel, la main). La technique et le langage apparaissent comme les deux pôles de cette « extériorisation ». Mais ces libérations semblent aussi avoir comme contrepartie de nouvelles contraintes, si bien qu’on peut se demander, avec le grand anthropologue : notre liberté serait-elle « imaginaire », ne cessant, selon ses mots, de porter « la marque du collier » ? On en débattra à partir du temps présent.

Michel Guérin est philosophe, professeur émérite de l’Université d’Aix-Marseille (AMU) et membre honoraire de l’Institut universitaire de France. Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages, parmi lesquels, récemment, La Troisième main – Des techniques matérielles aux technologies intellectuelles (Actes Sud, 2021).

09/01/23 – 61 La Canebière
Qu’attendre de la prison ?
Rosmini, Tefas, Rajel – Philosophie

Depuis 2015, les Philosophes Publics ont régulièrement animé des ateliers réflexifs en prison, tout d’abord auprès de détenus (femmes, hommes, mineurs), puis de surveillants et, depuis peu, en réunissant ces deux types de publics. Cette expérience collective, particulièrement riche et intense, a bien sûr suscitée au sein du collectif de nombreux questionnements. Ces derniers portent notamment sur les finalités qu’on peut attribuer à la prison, tant du point de vue de l’individu incarcéré que de la société toute entière. Plus nous intervenons en détention, et plus les attentes envers cette institution nous semblent discutables, incertaines, voire contradictoires. Par ailleurs, se demander ce qu’on peut « attendre de la prison », c’est aussi s’interroger sur ses nécessaires transformations. Rappelons que la France a été condamnée plusieurs fois par les instances européennes en raison de l’état de ses établissements pénitentiaires, et que la plupart des personnes qui y séjournent en sortent dans une situation (sociale, psychologique, etc.) pire que lorsqu’ils y entrent.

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Ce débat sera animé par deux membres du collectif et par quelqu’un qui a connu l’incarcération, et qui en est sorti profondément transformé. Son témoignage, ainsi que les retours d’expériences des ateliers philosophiques organisés aux Baumettes et à l’Établissement Pénitentiaire des Mineurs, serviront de point de départ à la discussion.

Redwane Rajel a découvert le théâtre en prison , ce lui à donné l’occasion de jouer 3 fois au festival In d’Avignon dans des pièces mises en scène par Olivier Py , et de devenir comédien professionnel grâce au célèbre auteur et metteur en scène  Joel Pommerat à  sa sortie de prison.

Christian Tefas. Professeur de philosophie et de yoga, Membre du collectif les philosophes publics.

Marc Rosmini. Professeur de philosophie. Membre du collectif les philosophes publics.

19/12/22 – 61 La Canebière
LAÏCITÉ CARCÉRALE ET RADICALISATION RELIGIEUSE
Bertrand KACZMAREK – Philosophie




Critiquée pour avoir tenté par le passé de modeler les condamnés, l’institution pénitentiaire a depuis les années 1990 opéré un virage important visant à se garder d’exercer la moindre influence sur les personnes incarcérées. Cette quête de neutralité, si elle la préserve de l’emprise, ne va cependant pas sans poser problème. En refusant d’assumer certaines attentes légitimes existentielles des personnes dont elle a la charge, elle génère un terrain favorable à diverses violences. Le discours religieux radical, porté par une communauté apparemment accueillante, peut alors devenir aux yeux de certains une proposition attrayante pour donner un sens à la peine. Dès lors, l’enjeu est d’esquisser les principes d’une peine qui ne soit pas affaire seulement de procédure juridique, tout en respectant la neutralité à laquelle est tenue l’institution.

Bertrand KACZMAREK
Professeur agrégé de philosophie dans l’académie d’Aix-Marseille
A été directeur adjoint dans plusieurs établissements pénitentiaires de Rhône-Alpes
Titre de sa thèse: Le mythe de la neutralité carcérale.

28/11/22 – 130 avenue du Prado
LIBERTÉ ET SOCIÉTÉ DE CONTRAINTE
Renaud GARCIA – Philosophie

Liberté et société de contrainte

Les Calanques, c’est fini. Du moins en saison, pour les téméraires qui, par une inspiration spontanée, auraient aimé se rendre à Sugiton. Durant l’été, il fallait cette année se munir d’un sésame digital (le QR Code) décroché en suivant des procédures numériques, afin d’accéder à la nature. En 2023, l’expérimentation sera pérennisée sur une période plus longue, selon l’administration du Parc, mettant à profit ses partenariats avec les start up marseillaises de la « French Tech ». C’était inéluctable. Dans l’histoire des technologies, rares sont les moments où le provisoire ne s’est pas mué en permanent. Mais l’on s’habitue à tout. Et puis, « si c’est pour protéger », c’est une bonne idée, disent nombre de randonneurs. Notamment ceux qui, alléchés par la carte postale et l’ « attractivité » de notre territoire, ont pris le TGV pour « descendre » à Marseille.

Oui, les habitudes ont été vite prises, qui font bon marché de la spontanéité et de l’aléa, tant que des dispositifs technologiques permettent d’assurer la « protection » et de neutraliser ces irresponsables qui, par leur licence, mettent en péril l’intérêt général. Tel est l’un des argumentaires qui ont déchiré notre société pendant les deux dernières années, d’autant plus à partir de l’obligation vaccinale (dans certaines professions pour sûr, et par défaut afin, pour chacun, de ne pas voir son rayon d’action réduit à presque rien).

En ce sens, nous ne serons jamais quittes du Covid-19. Le prétendu « retour à la normale » peine à masquer le basculement dont la pandémie a été l’occasion : l’emballement de la société de contrainte. Laquelle ne se limite pas au contrôle ou à la surveillance enjeux qui sont le fond de commerce de tous les discours alter-numériques, en faveur d’un Internet éthique, délivré de l’emprise des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon) ‒, mais constitue un système de pilotage automatisé enserrant l’individu de telle sorte qu’il ne puisse que réagir, après coup, au fait accompli technologique. Demandez, pour des exemples ordinaires, aux usagers de la SNCF et de la Poste confrontés à la fermeture des guichets ou des bureaux, aux patients sommés de réserver leur « rendez-vous » médical par Doctolib, ou à tous ceux qui n’ont pas su comment s’opposer à la constitution de leur Espace Numérique de Santé.

Avant de penser, nous arpentons le monde vécu, théâtre de nos expériences familières. Le particulier d’abord, le général ensuite. Chacun peut enquêter là où il vit, autour de ce à quoi il tient, pour élucider en définitive la trajectoire globale de notre société. Ainsi, pour les amoureux de la nature et de la liberté, ce qui se révèle à travers l’accès machinal aux Calanques, c’est la logique du techno-capitalisme (autrement dit, l’accumulation du capital motorisée par l’innovation technologique) pour laquelle rien ne doit excéder la procédure autorisée. Cette logique s’oriente vers un état que certains bons esprits avaient pressenti dès avant la Seconde Guerre mondiale : le monde fini. C’est-à-dire achevé, totalement administré, semblable à une cage d’acier où nous autres, animaux imprévisibles, fonctionnerions comme des rouages. Chacun tournant à vide dans une aire délimitée, en échange de la sécurité du dispositif.

On n’en est pas là, diront les optimistes d’un ton railleur. Mais si nous avions interrogé les promeneurs calanquais il y a trois ou quatre ans, peut-être se seraient-ils récrié contre une atteinte insupportable à leur liberté. Se pourrait-il, une pandémie plus tard, que la liberté pèse trop lourd à beaucoup ? Dans un monde entraîné par la fuite en avant, on n’en est bientôt plus là.

S’ils devaient revenir parmi nous, les philosophes qui, à travers l’histoire, ont soutenu que l’homme est né libre et jaloux de sa « franchise », s’expliqueraient sans doute avec peine le moment malencontreux que nous traversons. Ils ne laisseraient pas de s’étonner que, sous les cryptogrammes des QR Codes, le goût de la liberté soit devenu obsolète. C’est à le sauver de l’oubli que la réflexion de cette soirée sera consacrée.

Renaud Garcia enseigne la philosophie au lycée et s’efforce d’appliquer le principe du refus de parvenir. Ses recherches portent principalement sur l’anarchisme, la critique sociale et la décroissance. Il a récemment publié Pierre Kropotkine ou l’économie par l’entraide (Le Passager clandestin, 2014) et La Nature de l’entraide (ENS éditions, 2015), Le Désert de la critique, Déconstruction et politique (L’échappée, 2015)

07/11/22 – 61 La Canebière
Anarchismes
Gabrielle SCARABINO, Morgane BASCAULE, Maïssa FALHA – Philosophie

Anarchismes 

Les courants de pensée se réclamant de l’anarchisme sont si divers que le « s » final semble requis, ne serait-ce que pour interroger la possibilité d’unifier la diversité des pensées critiques du commandement et des pratiques tentant d’expérimenter une vie sociale sans pouvoir hiérarchique. N’est-il pas pour le moins étrange que l’anarchisme reste communément associé à la liberté effrénée de chacun.e alors même qu’il se définit avant tout comme absence de domination, ceci ne pouvant que supposer l’attachement à une organisation sociale capable d’instaurer et maintenir une liberté collective ?  
A l’heure d’une démocratie en crise et d’un Etat inféodé à des logiques économiques, la question d’une politique non étatique se pose avec acuité. A l’heure où trouver des modes de vie compatibles avec la poursuite de la vie sur terre se fait urgent, la question des ancrages locaux et des justes échelles de décisions citoyennes se fait jour. 
Penser la pluralité des anarchismes, c’est emprunter des pistes théoriques aussi bien philosophiques, anthropologiques et psychologiques que strictement politiques ou historiques. La nécessité sociale et écologique de sortir du gigantisme de systèmes aliénants et délétères de production, de consommation et d’échange ne passe-t-elle pas par la capacité de discussion, de décision et d’organisation collectives afin que la liberté ne soit pas celle des seuls riches et puissants de ce monde ? 
L’invitation sera faite d’explorer ensemble gouvernementalités situées, municipalisme libertaire, existences communales, démocratie réelle et autres voies anarchistes susceptibles de faire germer quelques futurs désirables.
 

Morgane Bascaule, Maïssa Falha, Gabrielle Scarabino, sont professeures de philosophie, membres du collectif Les Philosophes publics