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« Le monde partagé » peut sembler entendu. En effet, le monde est par définition ce qui est partagé aussi bien spatialement que temporellement. Nous partageons des territoires et des espaces, des villes et des campagnes. Nous héritons des œuvres du passé et nous en partagerons d’autres à venir : réalisations technique, politique, juridique mais aussi inquiétudes écologiques, éthiques etc.
Que partageons-nous du monde? Le monde partagé peut-il être pensé comme un gâteau où il s’agirait pour chaque être vivant de prendre sa part? Avoir part au monde, territorialement, culturellement, est-ce partager le même monde ? Ne doit-on penser au contraire le partage du monde comme une autre expérience, plus inaugurale : naître au monde comme naître aux autres, non pour obtenir sa part du gâteau, mais au contraire pour se découvrir comme immanquablement liés aux autres? Et qui sont ces autres du monde auxquels l’expérience du monde me lie toujours d’abord? Qu’est-ce que se découvrir comme « un être-lié-par-le-monde »?
Nous pouvons alors entendre l’expression « le monde partagé » davantage comme « partager le monde » qui montre mieux que la question du partage engage nos subjectivités, nos imaginaires, précisément parce que la question du monde, c’est la question de la possibilité d’une action collective.
Comment la pluralité des mondes pose la question de leur rencontre, laquelle ne doit être pensée, ni comme une simple juxtaposition, ni comme une compétition, mais bien comme comme une mise en commun?
Nous voudrions discuter une telle possibilité du monde en affrontant précisément ce qui est difficile, puisque le monde c’est à la fois une pluralité immense, qui apparaît à bien des égards comme chaotique, violente, voire désespérée (on parle de fin du monde) et ce qui ouvre l’horizon sous la forme d’une promesse. En effet, questionner le monde, c’est éprouver que la question de son sens nous est si fondamentale que le monde nous apparaît alors non pas tant comme un donné que comme des actes à envisager (on parle alors de refaire le monde).
Céline ACKER, Charlotte CREAC’H, Monique PILLANT, professeures de philosophie, membres du collectif les Philosophes publics-ques
Bibliographies Monique Pillant : Saskia Sassen, Expulsions, Brutalité et complexité dans l'économie globale (2014) Anna Lowenhaupt Tsing, Le champignon de la fin du monde, Sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme (2015, 2017 pour la trad. française). Charlotte Créac'h : Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Descola et Pignocchi, Ethnographies des mondes à venir, Aldo Léopold, Alamanach d’un comté des sables, Bruno labour, Où atterrir Pelluchon, Réparons le monde Donna Haraway, Vivre avec le trouble Macpherson, L’individualisme possessif Céline Acker : le mythe de Prométhée tel qu'il est raconté dans le Protagoras de Platon, les dernières pages de La Critique de la raison pratique de Kant, La Critique de la faculté de juger de Kant, Condition de l'homme moderne, Arendt, La composition des mondes, Descola.