Archives de catégorie : Philosophie

La philosophie, du grec ancien φιλοσοφία (composé de φιλεῖν, philein : « aimer » ; et de σοφία, sophia : « sagesse »)1, signifie littéralement : « l’amour de la sagesse ». C’est une activité et une discipline existant depuis l’Antiquité en Occident et en Orient, se présentant comme un questionnement, une interprétation et une réflexion sur le monde et l’existence humaine. Différents buts peuvent lui être attribués : la recherche de la vérité ; la méditation sur le bien, le beau, le juste ; la quête du sens de la vie et du bonheur.

Au sens aristotélicien et médiéval, la philosophie est une science, la science des premiers principes et des premières causes.
Au sens moderne et pour une bonne partie des philosophes contemporains, la philosophie n’est pas un savoir, ni un ensemble de connaissances, mais une démarche de réflexion sur les savoirs disponibles.

Ancrée dès ses origines dans le dialogue et le débat d’idées, elle peut se concevoir comme une activité d’analyse, de définition, de création ou de méditation sur des concepts.

16/09/19
Comment ai-je compris ce qu’était la science ?
DENIS CAROTI – Science et Philosophie

Séance exceptionnellement à la Brasserie des Danaïdes

PROFESSEUR CERTIFIÉ EN SCIENCES PHYSIQUES

Historique

Denis Caroti, Nicolas Gaillard, Richard Monvoisin et Guillemette Reviron ont créé le CORTECS en 2010, sur les bases des enseignements d’esprit critique et d’autodéfense intellectuelle de Monvoisin à l’Université Grenoble-Alpes (anciennement Université Joseph-Fourier) en 2004, d’abord à l’UFR de pharmacie, puis aux licences toutes disciplines et aux doctorants-enseignants1. Ces enseignements avaient emprunté la formule de décorticage des pseudo-théories enseigné par Henri Broch depuis 1993, et objets de recherche au Laboratoire de zététique à l’Université Nice-Sophia-Antipolis2.

But

Le collectif développe des pédagogies centrées sur la pensée critique : « ensemble d’aptitudes et de dispositions permettant une analyse, un tri et une évaluation efficaces des informations, de leurs sources, et des arguments invoqués pour soutenir telle ou telle affirmation« 3. Le CORTECS rassemble différent outillages, depuis les sciences expérimentales jusqu’aux sciences humaines, politiques et sociales4. À l’instar de RussellChomsky ou Baillargeon, le matérialisme méthodologique sert de socle et la dimension émancipatrice progressiste est largement mise en avant4.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Collectif_de_recherche_transdisciplinaire_esprit_critique_et_sciences

20/05/19
Qu’est-ce qu’un peuple ?
Monique Pillant – 2/2

Conférence-débat avec Monique Pillant*
Qu’est-ce qu’un peuple ? Une réalité ? une fiction ? une légende ? une chose ? Le mot déjà renvoie à différents sens : un sens social où être du peuple n’est pas faire partie des grands ; un sens ethnologique où le peuple se confond avec la nation ; un sens politique et juridique où le peuple est l’autorité suprême de faire la loi. Ce dernier sens se construit dans la modernité, au cours des épisodes révolutionnaires en Amérique et en France. Mais comment entendre la proposition « Le 14 juillet, le peuple de Paris a pris la Bastille » ? Pour un aristocrate, le peuple se confond avec la foule haineuse, la populace qui vise la destruction de l’ordre établi ; pour un bourgeois, le peuple est une multitude animée par des intérêts particuliers et ignorante de son intérêt véritable ; pour un démocrate, le peuple qui prend la Bastille est un sujet historique qui manifeste enfin sa force, son exigence de justice et son désir de liberté. A-t-on affaire à un peuple prenant en charge son devenir politique ou bien à une populace irrationnelle et ignorante ? L’enjeu de cette réponse est politique, engage le sens que l’on donne à la vie politique, à la finalité de l’Etat, et la possibilité de vivre simplement en démocratie. Il s’agira donc de voir comment les sens engagés dans le mot peuple  peuvent produire diversement de la soumission aveugle à un chef, ou une indifférence à l’Etat, ou bien encore une activation de la capacité d’agir pour le bien commun.

*Monique Pillant, professeure certifiée, a fait ses études à l’université d’Aix-en-Provence. Elle enseigne la philosophie depuis 25 ans et depuis plus d’une quinzaine d’année au lycée Thiers de Marseille.

13/05/19
Qu’est-ce qu’un peuple ?
Monique Pillant – 1/2

Conférence-débat avec Monique Pillant*
Qu’est-ce qu’un peuple ? Une réalité ? une fiction ? une légende ? une chose ? Le mot déjà renvoie à différents sens : un sens social où être du peuple n’est pas faire partie des grands ; un sens ethnologique où le peuple se confond avec la nation ; un sens politique et juridique où le peuple est l’autorité suprême de faire la loi. Ce dernier sens se construit dans la modernité, au cours des épisodes révolutionnaires en Amérique et en France. Mais comment entendre la proposition « Le 14 juillet, le peuple de Paris a pris la Bastille » ? Pour un aristocrate, le peuple se confond avec la foule haineuse, la populace qui vise la destruction de l’ordre établi ; pour un bourgeois, le peuple est une multitude animée par des intérêts particuliers et ignorante de son intérêt véritable ; pour un démocrate, le peuple qui prend la Bastille est un sujet historique qui manifeste enfin sa force, son exigence de justice et son désir de liberté. A-t-on affaire à un peuple prenant en charge son devenir politique ou bien à une populace irrationnelle et ignorante ? L’enjeu de cette réponse est politique, engage le sens que l’on donne à la vie politique, à la finalité de l’Etat, et la possibilité de vivre simplement en démocratie. Il s’agira donc de voir comment les sens engagés dans le mot peuple  peuvent produire diversement de la soumission aveugle à un chef, ou une indifférence à l’Etat, ou bien encore une activation de la capacité d’agir pour le bien commun.

*Monique Pillant, professeure certifiée, a fait ses études à l’université d’Aix-en-Provence. Elle enseigne la philosophie depuis 25 ans et depuis plus d’une quinzaine d’année au lycée Thiers de Marseille.

Biblographie :
Gérard Bras, Les voies du peuple (2018).
Zeev Sternhell, Les anti-Lumières (2006).
Johann Chapoutot, La révolution culturelle nazie (2017).

06/05/19
La subjectivité au risque des biotechnologies
Marc Rosmini

La philosophie, entre autres, explore depuis plusieurs siècles les énigmes de la subjectivité. Or, depuis quelques années, les évolutions des technologies bio-médicales ont encore complexifié le sentiment d’être (ou pas) « soi-même ». En permettant le transfert d’organes et le don de gamètes, en rendant possible certaines manipulations génétiques qui interrogent les frontières de l’humain, ou encore en prolongeant des vies à la limite de l’inconscience, les biotechnologies obligent à repenser les notions de sujet, de personne, et d’individu. Ce sont quelques-unes de ces questions, inséparablement ontologiques et éthiques, que nous tenterons modestement de clarifier.

Conférence-débat avec Marc Rosmini

Professeur agrégé de philosophie, enseigne à Marseille

Cinéphile,  sa curiosité éclectique l’a conduit à mettre en relation la réflexion philosophique avec des thèmes variés, allant de la cuisine au western en passant par l’art contemporain marseillais. Il fait partie du collectif « Les Philosophes Publics »

Cinéma et bioéthique, Mai 2019 Rouge Profond Editeur

Il est l’auteur de plusieurs livres.

29/04/19
Les premiers jours de l’inhumanité
Jacques Bouveresse

  • MERCREDI 24 AVRIL 2019 à 17 HEURES
  • A l’Alcazar BMVR
  • 58 cours Belsunce 13001 Marseille

Les premiers jours de l’inhumanité

À l’occasion de la parution de son livre « Les Premiers Jours de l’inhumanité » aux éditions Hors d’atteinte, Jacques Bouveresse reviendra sur les écrits du fervent opposant autrichien au nazisme Karl Kraus pour le confronter à la période actuelle. Une propagande fondée sur l’émotion et la destruction de l’intellect : voilà qui n’est pas sans résonances avec le comportement de certains dirigeants actuels, que ce livre éclaire différemment.

Jacques Bouveresse est un philosophe rationaliste dont les principales influences sont Wittgenstein, le cercle de Vienne et la philosophie analytique. Élu au Collège de France en 1995, il en est professeur honoraire depuis 2010. Ses domaines d’étude sont la philosophie de la connaissance, des sciences, des mathématiques, de la logique et du langage ; il s’intéresse également à des auteurs comme Robert Musil et Karl Kraus.

08/04/19
Mensonge et vérité
Augustin Giovannoni

Mensonge et vérité

Peut-on dire vrai sur soi-mêm

Mensonge et vérité

Peut-on dire vrai sur soi-même ?

Cette analyse comportera deux moments.

– Tenter de mettre en lumière ce qui apparaît comme une tâche d’une extraordinaire importance théorique mais aussi morale et politique : le problème de la duperie de soi. On se dupe entre individus, entre groupes, entre institutions, entre états. On se dupe également soi-même. On peut tour à tour duper et être dupé.

– Aborder la crise actuelle de la politique confrontée à la dissolution des repères de certitude et à la tentation de transformer « les vérités de fait » en opinions. Cela explique pourquoi notre rapport à la vérité s’est, aujourd’hui, à ce point brouillé en même temps que notre capacité à vivre ensemble dans un monde commun. Nous procèderons à un examen critique du débat sur la post-vérité.

Conférence-débat avec Augustin Giovannoni Agrégé et docteur en philosophie. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’exil et la question du sujet, notamment Les figures de l’homme trompé aux PUF, Désir et mélancolie chez Art Fiction Pour une politique hors-sol ; Immanence et finitude chez Spinoza aux éditions Kimé

03/12/18
La mémoire
Céline Acker

 

La mémoire, définie comme souvenir du passé, est souvent présentée, dans nos sociétés, comme un devoir. Nous devrions la conservation du passé. On interrogera cette idée d’un devoir de mémoire en évoquant d’autres façons d’aborder la mémoire. La mémoire n’est-elle pas d’abord un travail et un effort, c’est-à-dire précisément ce que l’idée du seul devoir de mémoire paraît empêcher? Nous tenterons ainsi de questionner les conditions de possibilité d’une mémoire en acte et non pas seulement d’une mémoire comme conservation ou rétention d’un passé qui n’est plus.

Céline Acker est ancienne élève de l’École normale supérieure (Lyon), agrégée de philosophie, elle enseigne la philosophie en classes de Terminales au lycée Perrimond à Marseille

26/11/18
La mémoire
Céline Acker

La mémoire, définie comme souvenir du passé, est souvent présentée, dans nos sociétés, comme un devoir. Nous devrions la conservation du passé. On interrogera cette idée d’un devoir de mémoire en évoquant d’autres façons d’aborder la mémoire. La mémoire n’est-elle pas d’abord un travail et un effort, c’est-à-dire précisément ce que l’idée du seul devoir de mémoire paraît empêcher? Nous tenterons ainsi de questionner les conditions de possibilité d’une mémoire en acte et non pas seulement d’une mémoire comme conservation ou rétention d’un passé qui n’est plus.

Céline Acker est ancienne élève de l’École normale supérieure (Lyon), agrégée de philosophie, elle enseigne la philosophie en classes de Terminales au lycée Perrimond à Marseille

19/11/18
Le droit des peuples et les droits de l’Homme
Anaïs Simon

« Comment définir « l’Homme » dont il est question dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen ? Il semblerait que la Déclaration elle-même soit justement le lieu qui décrit cet « Homme », et qui par conséquent l’institue, plutôt qu’elle ne s’appuie sur un homme existant. A ce titre la Déclaration est prescriptive de ce que doit être l’Homme moderne, le nouveau citoyen, et partant, le type de régime politique qui le rend possible. D’où cette question : faut-il entendre l’ensemble de l’humanité comme la somme de tous les hommes réels et existants ? Ou s’agit-il de l’idée d’homme, d’une essence de l’humanité ? Selon la première hypothèse, les droits de l’Homme, reliés à leur situation historique d’apparition, supposent que le peuple français se constitue symboliquement comme le représentant révolutionnaire de tous les peuples oppressés : le citoyen français serait le modèle pour tout homme. Selon la seconde hypothèse, les droits de l’Homme seraient moins les droits des hommes, que ceux de l’humanité, entendue comme abstraction qui pourrait jouer le rôle d’une idée régulatrice ou d’un paradigme. »

Anaïs Simon est titulaire d’un doctorat de philosophie, professeure au Lycée Saint-Exupéry à Marseille où elle prépare les élèves aux épreuves du baccalauréat en philosophie en les initiant à l’examen critique et argumenté de problèmes métaphysiques, politiques, moraux et épistémologiques.

12/11/18
L’Homme des droits de l’Homme
Anaïs Simon

« Comment définir « l’Homme » dont il est question dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen ? Il semblerait que la Déclaration elle-même soit justement le lieu qui décrit cet « Homme », et qui par conséquent l’institue, plutôt qu’elle ne s’appuie sur un homme existant. A ce titre la Déclaration est prescriptive de ce que doit être l’Homme moderne, le nouveau citoyen, et partant, le type de régime politique qui le rend possible. D’où cette question : faut-il entendre l’ensemble de l’humanité comme la somme de tous les hommes réels et existants ? Ou s’agit-il de l’idée d’homme, d’une essence de l’humanité ? Selon la première hypothèse, les droits de l’Homme, reliés à leur situation historique d’apparition, supposent que le peuple français se constitue symboliquement comme le représentant révolutionnaire de tous les peuples oppressés : le citoyen français serait le modèle pour tout homme. Selon la seconde hypothèse, les droits de l’Homme seraient moins les droits des hommes, que ceux de l’humanité, entendue comme abstraction qui pourrait jouer le rôle d’une idée régulatrice ou d’un paradigme. »

Anaïs Simon est titulaire d’un doctorat de philosophie, professeure au Lycée Saint-Exupéry à Marseille où elle prépare les élèves aux épreuves du baccalauréat en philosophie en les initiant à l’examen critique et argumenté de problèmes métaphysiques, politiques, moraux et épistémologiques.

12/06/18
Penser l’exil
Augustin Giovannoni

Penser l’exil

Devant l’ampleur de la crise dite migratoire en Europe et les difficultés qu’elle pose en regard de la citoyenneté et du droit d’asile, la pensée politique moderne se doit de réexaminer ses fondations et ses configurations. Penser l’exil aujourd’hui, c’est défendre des formes transnationales de citoyenneté et développer une politique de traduction entre les cultures valorisant des processus d’appartenances multiples. Intégrer l’exil dans une pensée politique aujourd’hui, c’est suggérer une politique hors-sol, non définie territorialement, ce qui est le cas du droit international actuel. Par ce moyen, il sera possible de contrer les politiques du chaos productrices de misère, de violence et d’inégalité.

Augustin Giovannoni
Agrégé et docteur en philosophie. 
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’exil et la question du sujet, notamment 
Les figures de l’homme trompé aux PUF, 
Désir et mélancolie chez Art Fiction, 
Immanence et finitude chez Spinoza 
Pour une politique hors-sol (sous la direction d’Augustin Giovannoni et Alexis Nouss)
aux éditions Kimé

 

 

05/06/18
L’irrationalisme religieux
La religion – Philosophie – Monique Pillant

Monique Pillant*

Philosophie

La religion

05 juin : La revendication de l’irrationalisme religieux :
le besoin de croire à une transcendance.

* Monique Pillant, est professeure certifiée, a fait ses études à l'université d'Aix-en-Provence, enseigne la philosophie depuis 25 ans et depuis plus d'une quinzaine d'année au lycée Thiers de Marseille.

« Nous employons sans trop de difficulté le mot religion : serait religieux un système de croyances, lié à une activité rituelle et cultuelle, relative à un ou des dieux, en un espace sacré, par opposition à l’espace profane. Pourtant, pour citer Jean Bottero, l’historien, spécialiste de la Mésopotamie, « dans la religion Dieu vient assez tard et il n’est même pas nécessaire qu’il vienne » : il y a des religions sans dieu, et aussi des sociétés où la religion est partout, et ne se tient pas dans l’espace du temple, de l’église, de la mosquée. Pour résoudre la difficulté constituée par l’irréductible hétérogénéité des religions dans l’espace et le temps, on s’est avisé de la réduire à une ou des fonctions, fonctions psychologique ou sociale, ou encore idéologique. Loin de se caractériser par un contenu de croyance, elle se tiendrait dans la fonction qu’elle sert : rassurer et protéger de l’angoisse du lendemain, justifier l’ordre social et ses injustices, fonder la communauté sociale. Dans ces conditions, on peut penser une religion séculière, par exemple marxiste, et même tuer en son nom, comme le faisaient notamment les Brigades rouges. Mais n’est-ce pas passer à côté de ce qui distingue essentiellement la religion de toute autre forme de croyance ou d’adhésion ? La réduction fonctionnelle fait l’impasse sur la foi du croyant, et sa relation personnelle au sacré. Tenir compte de ce mysticisme propre à la religion, prendre acte de son irrationalité, c’est comprendre que la religion se tient dans un libre engagement de chacun dans une perspective existentielle de salut. En témoignerait aussi la floraison des religions « à la carte », syncrétiques et affranchies des institutions. Dès lors, il ne faudrait pas demander au croyant des raisons de croire. Pourtant on voit bien que la religion a intérêt à se placer à l’abri de toute critique : dire qu’elle se tient dans une relation personnelle de l’humain au sacré, n’est-ce pas l’exempter d’avoir à rendre compte du fanatisme religieux et de la quantité invraisemblable de crimes commis en son nom ? »

29/05/18
La religion, ses fonctions
Philosophie – Monique Pillant

Monique Pillant*

Philosophie

La religion

22 mai : L’approche fonctionnaliste du fait religieux : la religion sert des fins qui ne sont pas proprement religieuses.

* Monique Pillant, est professeure certifiée, a fait ses études à l'université d'Aix-en-Provence, enseigne la philosophie depuis 25 ans et depuis plus d'une quinzaine d'année au lycée Thiers de Marseille.

« Nous employons sans trop de difficulté le mot religion : serait religieux un système de croyances, lié à une activité rituelle et cultuelle, relative à un ou des dieux, en un espace sacré, par opposition à l’espace profane. Pourtant, pour citer Jean Bottero, l’historien, spécialiste de la Mésopotamie, « dans la religion Dieu vient assez tard et il n’est même pas nécessaire qu’il vienne » : il y a des religions sans dieu, et aussi des sociétés où la religion est partout, et ne se tient pas dans l’espace du temple, de l’église, de la mosquée. Pour résoudre la difficulté constituée par l’irréductible hétérogénéité des religions dans l’espace et le temps, on s’est avisé de la réduire à une ou des fonctions, fonctions psychologique ou sociale, ou encore idéologique. Loin de se caractériser par un contenu de croyance, elle se tiendrait dans la fonction qu’elle sert : rassurer et protéger de l’angoisse du lendemain, justifier l’ordre social et ses injustices, fonder la communauté sociale. Dans ces conditions, on peut penser une religion séculière, par exemple marxiste, et même tuer en son nom, comme le faisaient notamment les Brigades rouges. Mais n’est-ce pas passer à côté de ce qui distingue essentiellement la religion de toute autre forme de croyance ou d’adhésion ? La réduction fonctionnelle fait l’impasse sur la foi du croyant, et sa relation personnelle au sacré. Tenir compte de ce mysticisme propre à la religion, prendre acte de son irrationalité, c’est comprendre que la religion se tient dans un libre engagement de chacun dans une perspective existentielle de salut. En témoignerait aussi la floraison des religions « à la carte », syncrétiques et affranchies des institutions. Dès lors, il ne faudrait pas demander au croyant des raisons de croire. Pourtant on voit bien que la religion a intérêt à se placer à l’abri de toute critique : dire qu’elle se tient dans une relation personnelle de l’humain au sacré, n’est-ce pas l’exempter d’avoir à rendre compte du fanatisme religieux et de la quantité invraisemblable de crimes commis en son nom ? »

28/11/17
La parole comme prise de pouvoir
Céline Acker*

 


II. La parole comme prise de pouvoir

La parole éclaire, libère, permet de quitter l’immédiateté du sensible pour atteindre la permanence de la vérité grâce à un dire capable de saisir le principe des choses. Nous ne sommes plus alors condamnés à la perception ou à la description d’un monde matériel et sensible dans lequel nous nous trouvons. La parole nous ouvre un espace conceptuel et symbolique ou pour le dire autrement un monde de la pensée souvent défini comme un monde propre aux hommes. Pourtant cette même activité de parole est aussi le lieu par excellence où se joue entre les hommes une lutte pour un pouvoir non plus de libération ou d’intelligibilité mais de domination non seulement du monde mais aussi des autres. L’enjeu de ces séances sera de penser l’acte de parole dans cette ambiguïté même : à la fois comme création et comme violence. Critiquer la parole, c’est peut-être faire surgir de ses limites-mêmes un autre parler plus humble et plus fragile, que l’on pourrait appeler parole démocratique. En dernière instance, ce sera précisément ce parler démocratique qu’il nous faudra tenter de définir.

*Céline Acker

Ancienne élève de l’École normale supérieure (Lyon), agrégée de philosophie, enseigne la philosophie en classes de Terminales au lycée Victor-Hugo (Marseille). Elle intervient également en classes préparatoires au lycée Thiers (Marseille).